FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS.
N
THÈSE
POUR
LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentée et soutenue te 25 mai 1866 ,
Par Maurice FOISSAG
né à Moiilauban (Tarn-et-Garonne),
Elève des hôpitaux de Paris.
DU CAMPHRE
jA. IMPUIMEüH DK LA FACÜLTf^jiDKjAiKDECINE
llSucccsseur üt- M.gRignoux)
31, al!K SIONSlROR-Mi-l’RIWCK, 31
J 866
FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS.
Doyen, M. WURTZ.
Professeurs. MM.
' Anatomie.JAFJAVAY.
Pliysiologie.LOWGET.
Physique médicale."... GA'YARRET.
Chimie organique et chimie minérale.WURTZ.
Histoire naturelle médicale.BAILLON.
Pathologie et thérapeutique générales.ANDRAL.
Pathologie médicale....! fl OM eV
Patliologie, chirurgicale.1
I ÜICHIl 1.
Anatomie pathologique.CRUVEILHIER.
Histologie.ROBIN.
Opérations eti appareils.DENONVILLIERS.
Pharmacologie.REGNAULD.
Thérapeutique et matière médicale.TROUSSEAU.
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Accouchements, maladies des femmes en couches
et des enfants noiiveau-nés.PAJOT.
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Clinique d’accouchements..DEPAUL.
Doyen hon., M. le Baron Paul DUBOIS. - Prof, hon., MM, CLOQUET et ROSTAN.
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Charcot:
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VULPIAN.
Agrégés libres chargés de cours couipléincntaires.
Cours clinique des maladies de la peau. . MM. HARDY.
— des maladies des enfants. ROGER.
— des maladies menlales et nerveuses. LASEGUE.
— de l’ophthalmologie. .. FOUCHER.
Chef des travaux anainmigues, M. SAPPEY, agrégé hors cadre.
Pxauiinateurs de la thèse.
MM. BOUCHARDAT, président; TARDIEU, RACLE, FOURNIER.
M. FORGET, Yecr^/airc.
Par délibrration du 9 décembre 1^98, l’École a arrête que lea opiiiieua éniiees dans les dissertations qu
lui acroBt présentées doivent être covsniérées comme propres i leurs auteurs et qu’cllo n’entend leur donner
aucune approbation ni mprobation.
A LA MÉMOIRB
DE MON PÈRE
A LA MÉMOIRE
DE MON FRÈRE
A MES PARENTS
A MES AMIS
À M. LE D* BOÜCHARDAT
À LA MÉMOIRE
DE MALGAIGNE
A M. LE D" GIBERT
A M. LE D" BOUCHER DE LA VILLE JOSSY
A M. LE 0*^ MESNET
A M. LE D“ MATICE
MES MAITRES DANS LES HOPITAUX.
AVANT-PROPOS
Pendant la durée de notre service à l’hôpital de la Pitié , chez
M. le D'' Matice, nous lui avons vu souvent employer le camphre.
Les bons effets qu’il en a retirés dans bien des cas, et l’emploi si
rare que l’on fait en général de cette substance, nous ont donné
l’idée d’en faire le sujet de notre thèse.
Acquittons ici notre tribut de reconnaissance envers M. Matice,
pour les conseils particuliers qu’il a bien voulu nous donner dans
nos recherches et nos observations , qui, avec les renseignements
que nous avons pu puiser à d’autres sources, nous ont fourni assez
d’éléments pour faire une monographie du camphre.
Nous nous estimerons heureux si notre travail peut tirer de l’oubli
une substance dont l’emploi, tombé en désuétude aujourd’hui, peut
entre des mains habiles rendre de véritables services.
süib iîi ob IfiJujoil'l é ->î!.oir'ib oà-üjb n! liiRbijn'^î
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bînob )ao auofi , .'iOfiBîadua oJJ.oo ab Ijs'iàtnjj 110 üb'! üo'I oup yiin
' ' .yaôih oiîori ob lopja oî o'fiei ii'j'l> a'.bi'l
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Hiifib aobitob auon.L'lüOY noid i; li'up aioiluoU ifiq aliognoo aol nioq
«înofiioirgioanoT aol ooyc ,H)p , aiiofJSYioado aou Jo aoiloioxho'i aoii
soeafi ixnoo'i îtio anoci ,a 9 y!Uoa go'i!i;f;’h loaiiJti u(j , ri0v;j3iJ0if oup
' _ .o'iiiqtiiso ub offk|r>igorioni^OffiJ oiibi onoc] aJnoiriôlo'b
ikhjo'l ob •lO'iii )uoq lujys'il oiioii h /.ijoiuoii afioioftiijao auoti auoTl
Hjoq ,iufrb'iuo[uB oînjîôiiaô!) no ôuaîoJ > iolqrno'l Jnob oonfiJadiia onu
.aooiv'ioa aoldnji'iôy ob oobnoo aolidcd aïiiüîu aob O'ihio
DU CAMPHRE
Historique. — Le camphre était connu dans les temps les plus
reculés. Le Tchetanra, poëme sanscrit, nous donne la preuve de ce
que les Indiens le connaissaient. «. Il taille en guise de pieux les
plus riches morceaux de camphre, afin de s'en faire une haie pour en¬
clore un champ de kodrovas.D ( Les kodrovas sont des plantes qui,
comme le ri^, sont très-communes et servent de nourriture aux
pauvres.) Le poëte veut montrer le ridicule des gens qui pour peu
de chose sacrifient beaucoup.
Le camphre était donc chez ces peuples une chose de luxe, comme
il l’est encore chez les Orientaux.
«Le camphre le meilleur, dit Valmont de Bomarre, ne parvient
jamais en Europe, il est réservé aux grands du pays. De temps
immémorial, dit le même auteur, dans les cours des princes orien-
laux, on le brûle mélangé à la ci^ pour éclairer pendant la nuit. »
Beaucoup d’auteurs prélendent que, en raison de sa combusti¬
bilité sur l’eau , cette substance était l’un des principaux éléments
du feu grégeois, dont on faisait jadis un si fréquent usage et dont
la composition nous est inconnue. Il est constant que les Chinois le
font entrer ilans leurs feux d’artifice , et qu’à leur exemple on s’en
sort fréquemment aujourd’hui.
Aucun des auteurs grecs et latins dont les œuvres sont parvenues
jusqu'à nous n’en a fait mention. Ovide, dans les fragments qui
nous restent sur les Cosmétiques, parle, il est vrai, d’une substance
dont se servaient les dames romaines et dont la description offre
quelque analogie avec le camphre.
1866. — Eoissac. 2
10
Mais il faut, pour lui trouver réellement un emploi thérapeutique,
arriver jusqu’au xi® siècle.
D’après tous les auteurs qu’il nous a été donné de consulter, il
est probable que ce furent les médecins arabes qui les premiers
songèrent à expérimenter ses propriétés, et que c’est Avicenne qui
l’introduisit dans la pratique médicale.
Je n’entrerai pas ici dans toutes les discussions qui plus tard se
sont élevées sur son origine. Sérapion, Averroës, Platéarius, Agri-
cola, etc...., se sontpeut être en cela beaucoup plus iiésà leur ima¬
gination qu’à la recherche de la réalité.
Enfin, plus tard, Malhiole, Jean Bauhin, Sylvius, Gardas, etc., re¬
connurent au camphre sa véritable origine.
Ce n’est guère que vers la dernière moitié du XVlll® siècle que des
naturalistes se sont réellement assurés que cette substance était tirée
du règne végétal, et que des expérimentateurs, Alexandre Pringle,
Werlhoff, Home, Collin, Griffin, Carminati, Minghini, etc., et
plus récemment encore Orfila et Courraut, son élève, nous ont réel¬
lement fait connaître les propriétés physiologiques et thérapeutiques
de celte substance.
Enfin, dans ces derniers temps, un homme que son orgueil et sa
soif de popularité ont jeté hors la voie scientifique et dont les pre¬
miers travaux semblaient promettre un chimiste distingué aussi bien
qu’un observateur habile fit du camphre une panacée universelle qui
devint populaire, grâce à un petit livre intitulé : Manuel annuaire de
la santé, dont les nombreuses éditions font depuis plus de vingt ans la
science des médicastres de famille et des commères charitables. Ce
pharmacien politique, dans un livre où se trouvent de rares vérités
mêlées à de nombreuses erreurs (Histoire naturelle de la santé et de
la maladie), a repris une hypothèse ancienne, due à un médecin an¬
glais du dernier siècle, dont le travail se trouve résumé dans une
brochure anonyme aux initiales A. C. D., in-8°, publiée, en 1720,
sous le litre suivant : Système d'un médecin anglais sur la cause de
toutes tes espèces de maladies, avec les surprenantes configurations
— 11 —
des diverses espèces de petits insectes qu’on voit par le moijen d’un
bon microscope dans le sang et les urines de différents malades et
même de tous ceux qui doivent le devenir. 11 y joint 90 figures d’in-
seotes supposas produclenrs chacun d’une all’edion dii-'férente. A
l’exceplion du sarcopte de la gale, ces animalcules semblent être
tous des êtres fantastiques. Il a repris, disons-nous, cette hypo¬
thèse, et a donné comme cause première, dans les 4/5® de nos ma¬
ladies, le parasitisme animal et végétal. C'est dans ce volumineux
compendium d’observations mal digérées qu’on trouve à côté d’in¬
génieuses études sur les acarus la fable des couleuvres letant des
vaches, élisant domicile barbato virginis antro, ou poussant l’instinct
de l’hibernation jusqu’à produire de fausses grossesses. Notre gué¬
risseur,qui, aux titres ci-dessus énoncés, joint encore ceux d’agro¬
nome et d’astrologue, partant de la propriété insecticide du
camphre , a simplifié la thérapeutique en faisant entrer dans un
codex fait à son usage cette substance réunie à celles qui lui sont le
plus incompatibles. Exemple :
1 1 ®‘' degré....
60 grammes.
Ammoniaque.
.. 2« degré.
... 80 —
( 3® degré.
...100 —
Alcool. C. 142“.
... 100 —
Sel gris.
... 30 —
Bail ordinaire.
1 litre.
Origine. — Le camphre est un produit d’origine végétale;
l’arbre qui le fournit croît abondamment sur les côtes de Bornéo
et de Sumatra. On lui donne le nom de stadi. Il est probablement
de la même famille que le laurits campiwra (caphura des indigènes),
de la famille des laurinées, que l’on trouve sur la côte occidentale
du Japon, et duquel les indigènes retiraient par une grossière subli.
mation une abondante quantité de camphre qu’ils livraient en cet
état aux Hollandais. Ces derniers le raffinaient et en ont fort long¬
temps conservé le monopole [Dictionnaire économique de La Marre).
Aujourd’hui ou le prépare un peu partout.
— 12 —
Le laurus camphora n’est pas la seule plante qui renferme du
( amphre; on peut en retirer de toutes les plantes de la famille des
labiées. t)n le trouve en assez grande quantité dans la camphrée
de Montpellier, le romarin, le thym, la lavande, la sauge, la
menthe, etc.,.
Culien (trad. de Bosquillou, î. Il, p. 318) attribue à la menthe
poivrée une vertu stimulante qui n’est due qu’au camphre qu’elle
contient.
Le cainphre du commerce est une substance blanche, légère, cris¬
talline, friable, demi-transparente, gommeuse sous la dent, légère¬
ment onctueuse au loucher, d’un odeur forte et balsamique, d’une
saveur âcre et presque accompagnée d’une sensation de fraîcheur.
L’action de l’acide chlorhydrique sur la thérébentine produit
liU corps qui ressemble si bien au camphre que quelquefois il est
îràa-dilticile de distinguer le camphre artificiel du camphre na¬
turel. Je ne me serais pas attaché à cette distinction si je n’avais
rencontré (Journal des Connaissances médico-chirurgicales, 1859)
un moyen plus commode que celui dont on s’était servi jusqu’ici
pour reconnaître la fraude. En effet, on n’a pas toujours sous la
main un pain sortant du four.
Voici ce procédé ; l ammoniaque liquide, dans une solution al¬
coolique de camphre, produit un léger précipité qui se redissoul
dans le mélange par la simple agitation. Le camphre artificiel au
contraire donne un précipité floconneux, insoluble dans le mé¬
lange.
Dans quelques cas et avec un peu d’habitude, l’inspection seule
pourra faire reconnaître le camphre artificiel. Il est plus mou, sans
apparence cristalline, d’une odeur moins forte et moins pénétrante;
sa cassure n’est ni friable, ni granuleuse ; sa solubilité dans l’alcool
est moins grande.
Quant aux propriétés physiques et chimiques du camphre, l’é¬
tendue du sujet nous oblige à les passer sous silence et à renvoyer
le lecteur aux ouvrages spéciaux.
Nous nous conleiilerons d’énutnérer celles de ces propriétés qu’il
est indispensable de connaître, pour établir une formule dans la-
(pielie doit enti-er le cariîpbre.
liC camphre n’est que très-peu soluble dans l'eau, qui n’en dis¬
sout guère que 0,001.
I..’alcool et les huiles le dissolvent abondamment.
Il semble avoir .son maximum de solubilité dans l’éthei sulfurique.
Il s’unit très-facilement aux gommes et aux mucilages en général.
Il a la propriété de liquéfier les graisses et les résines; aussi
ne doi(-on pas le prescrire dans les onguents et les emplâtres dont
il détruirait la consistance (A. Richard et Chevalier, Dictionnaire
(icH drogues ).
1! n’est que très-peu soluble dans le suc gastrique : aussi, pour
favoriser son absorption, doit-on le donner en solution ou en
suspension, et dans ce cas on doit l’employer aussi divisé que pos¬
sible.
On doit éviter de l’administrer eu solution, à cause du goût dés¬
agréable qu’il laisse après lui.
il surnage l’eau : aussi doit-on éviter de le pieserire dans un vé¬
hicule aqueux, ce qui aurait l’inconvénient de laisser au malade
un goût insupportable.
La dissolution de sucre dans l’eau, quelle que soit sa concen¬
tration, ne tient pas le camphre eu suspension ; il s’en sépare et ta
surnage. On doit rendre la substance mucilagineuse avec une
gomme.
ACTIÔJN PHYSIOLOGIQUË.
Avant d’assigner au corps qui nous occupe la place qui lui con¬
vient dans la classification des agents dont peut disposer le mé¬
decin, étudions comment se comportent un ou plusieurs fragments
de cette substance introduits dans l’organisme.
Orfila {Toxicologie, I. U, p. 042, exp. ix) faitfprendre à un chien
- 14 —
16 grammes de camphre en fragments et dont moitié environ se
trouvait plus divisée, puis il lie l’œsophage pour s’opposer au vo¬
missement. Quatre heures après l’ingestion de la substance, l’a¬
nimal a paru agité, il a parcouru rapidement le laboratoire, s’est
arrêté tout à coup, s’appuyant fortement sur les pattes antérieures
et en agitant les muscles de la face d’une manière convulsive. L’in¬
stant d’après, les convulsions sont devenues générales, il est tombé
sur le côté, ayant la tête fortement renversée en arrière et ses
extrémités dans une agitation extrême; les yeux saillants, pour
ainsi dire hors de l’orbite, offraient une injection marquée de la
conjonctive et n’étaient point sensibles aux impressions exté¬
rieures; l’animai n’entendait point et avait perdu l’usage de ses
facultés, la gueule était remplie d’une écume épaisse, la langue et
les gencives étaient livides, la respiration gênée et accélérée. Celte
attaque dura six minutes, pendant lesquelles elle semblait se ter¬
miner et se renouvelait aussitôt. Depuis cet accès, le chien fut
plongé dans un abattement extrême, et il ne succomba que huit
jours après. On en fit l’ouverture, et on remarqua que la face in¬
terne de l’estomac était parsemée d’ulcères. Rien n’est signalé
d’ailleurs, si ce n’e.st que les poumons étaient affaissés, d’un tissu
plus serré qu’à l’ordinaire et visiblement injecté; peut-être un
peu d’injection dans les méninges.
Evidemment voilà des lésions fort insignifiantes si nous voulons
par elles expliquer cet ensemble formidable de désordres que ma¬
nifeste l’animal pendant la vie.
Que conclure de cette expérience? Le camphre possède une ac¬
tion locale analogue à celle de certains caustiques qui désorganisent
tout ce qu’ils louchent; ce fait nous est démontré par les ulcéra¬
tions que présente la muqueuse de l’estomac. C’est là une action
immédiate incapable par elle-même de produire tous les symptômes
nerveux que nous avons énumérés. Il a donc par lui-même un se¬
cond mode d’action sur l’organisme, une action médiate, résultat
évident de son absorption.
— 15 , —
Qu’il ai! olé absorbé en nature ou bien que le; sue gastrique l/ail
dissout, ce qui a été nié par bien des auteurs, peu nous importe.
Le camphre a été transporté au coolacl d’autres organes que l’es-
loinac; le fait de l’absorption n’en est pas moins évident, et c’est
par lui que nous pouvons nous expliqjuer cet ensenible de désor¬
dres dont les lésions que nous révèle l’autopsie ne nous rendraient
pas un compte suffisant.
L’étude de l’action du camphre sur l’organisme se rattache donc à
deux chefs principaux :
1“ Action locale immédiate du camphre sur les tissus avec les¬
quels il est mis en rapport;
2° Action générale médiate, corollaire de son absorption.
§ l'^ — Action locale immédiate du camphre.
Localement le camphre peut être appliqué au contact des tissus
sous trois formes différentes: en fragments, à l’état de division
extrême et suspendu dans un véhicule, en di isolution.
Sous ces deux dernières formes, le camphre appliqué sur la peau
y détermine une sensation de froid due à sa volatilité ; celte sensa¬
tion peut être encore augmentée si la substance qui tient le cam¬
phre en dissolution ou en suspension est elle-même très-volatile,
mais celle action cesse si on enlève la substance,, qui ne laisse sur la
peau aucune trace de son passage.
En fragments, le camphre appliqué sur la peau ne produit d’abord
aucun effet perceptible à nos sens. Si le contact est prolongé pen¬
dant quelque temps, il ne paraît pas sensiblement l’enflammer;
quelquefois cependant il y détermine un étal inflammatoire, érysi¬
pélateux, qui va même jqsqu’à la vésication (Schwilgué, Matière
médicale, l- 11, p. 45; A. Richard et Chevalier, Dictionnaire des
drogues simples).
Mais si le derme est dénudé et que la peau soit excoriéeou ulcérée,
quelle que soit la forme sous laquelleon applique lecamphre, il y déter
— -
mine du picotement (Schwilgué, loc. ch.), une sensation de cuisson
qui devient très-vive et va même jusqu’à la brûlure. Une vive rou¬
geur et une inflammation circonscrite (Cullen, trad. de Bostjuillon,
l. Il, p. 310) sont le résultat de cette application et ne dépassent
jamais les points de contact.
Mais là ne se borne pas son action: il peut être absorbé (Schwil¬
gué, loc. cit.) et produire sur d’autres organes des symptômes que
nous étudierons au second paragraphe.
Le camphre possède la même action sur les membranes mu¬
queuses. Un fragment de cette substance au contact de la muqueuse
buccale produit une saveur âcre et mordicanle , et, bien que son
évaporation détermine une sensation de froid , l’expérimentateur
éprouve de la chaleur au point de contact, quelquefois dans toute
la bouche et à la gorge (Cullen, trad. de Bosquiüon, loc. cil.).
Au contact de la langue, il détermine un picotement et une fourmil¬
lement incommode et provoque une abondante sécrétion de salive
(A. Richard et Chevalier, loc. cit.) ét du mucus buccal (Schwilgué,
loc. cil.). Au bout d’une demi-heure, la muqueuse en contactdevient
rouge, chaude, gonflée et douloureuse. MM. Trousseau et Pidoux
[Thérapeuliqup-, t. II, p. 260) pensent même que le contact long¬
temps prolongé amènerait l’ulcération , ce qui paraît évident si nous
envisageons ce qui va suivre. Mais pour que cela ait lieu il faut,
comme le font très-judicieusement observer ces messieurs, que le
camphre soit en fragments et non dans un dissolvant ou un vé¬
hicule.
Lorsque le camphré pénètre dans l’estomac il détermine dans cet
organe, dans l’œsophage et dans la gorge, une sensation de chaleur,
de picotement et de douleur qui durent plusieurs heures [Bot. méd.,
A. Richard, p. 185). L’épigastre paraît être le plus spécialement le
siège decessymptômes. Barbier, d’Amiens (Mat, médic., 1.111, p.378),
cite l’observation d’un homme qui, sous l’influence de 5 grains
de camphre (25 centigr.), éprouva, aussitôt après son injection, une
chaleur vive et incommode à l’épigastre, laquelle s’étendait jusqu’à
— 17 —
l’ombilic. Cuilen (trad. Bosq., l. II, p. 310)explique un symptôme
par l’action de l’acrimonie de cette substance sur l’orifice supérieur
de l’estomac ou par l’action sédative de sa vapeur sur ret organe, et je
crois, ajoute-t-il, que c'est en agissant de cette manière sur Cestomac
même que le camphre donné à grande dose occasionne une indiges¬
tion. Nous avons tout lieu de croire que par indigestion Bosquillon
entend dire vomissement. En elfet, Veaumorei, dans sa traduction du
même auteur, fait dire à Cuilen que le camphre n’est pas également
bien supporté par tous les sujets : Quelques personnes le rejettent
arec un sentiment d'inquiétude, tandis que d'autres personnes peu¬
vent en prendre à grande dose sans aucun effet sensible. Ce qu’il
explique par ce fait, que quelques molécules viendraient agacer l'o¬
rifice supérieur de l'estomac et déterminer le vomissement.
Tous ces symptômes ne .sont que des manifestations de lésions or¬
ganiques que Orfila a très-bien étudiées dans ses expériences sur les
chiens [ToxicoL, t. II).
Dans la troisième expérience, il fait prendrcà un chien 12 gram.
<ie camphre en dissolution dans 120 grammes d’huile et lie l’œso¬
phage pour s’opposer aux vomissements. L’auirnal meurt en huit
heures, et à l’autopsie il trouve l’estomac contenant un liquide bru¬
nâtre et filant, et la muqueuse gastrique sillonnée de bandes lon¬
gitudinales et circulaires d’un rouge noirâtre et point d’ulcé¬
rations.
Dans la huitième expérience, il donne 16 grammes de camphre
enveloppé dans du papier; il constate quatre ulcères au pylore.
Dans la neuvième expérience, il donne 16 grammes de camphre
en fragments; il constate que la muqueuse gastrique est parsemée
d’ulcères.
Ainsi donc nous voyons que le camphre en fragments détermine
l’ulcération de la muqueuse, et qu’en solution il ne produit qu’une
inflammation diffuse.
Cette action est la même sur la muqiieuse rectale. Carminati in¬
jecte environ 8 grammes de camphre en solution mucilagineuse
I866 '~ Foissac. 3
— 18
dans le rectum d'an lapin, et trouve à l’autopsie une rougeur
étendue par plaques et par bandes sur toutè la surface de contact
{Comment, bononiens, t. IV).
La muqueuse palpébrale et la conjonctive sont également très
sensibles à l’actiou du camphre, qui y détermine une vive cuisson et
une abondante sécrétion de larmes.
La pituitaire en est vivement impressionnée : un picotement vif
se manifeste d’abord et sollicite l’éternuement ; le passage de l’air
dans l’inspiration produit une sensation agréable de fraîcheur; sa
sécrétion est considérablement augmentée, mais si le camphre était
un fragment assez gros et que le contact soit assez prolongé, il en
résulterait un effet analogue à celui que nous avons déjà constaté
sur les autres muqueuses.
Tels sont les effets locaux et immédiats du camphre.
Au contact des divers tissus en présence desquels nous venons
de l’examiner, il ne tarde pas à être absorbé et à produire de nou¬
veaux symptômes, symptômes consécutifs à sou absoption, sym¬
ptômes médiats généraux qui vont faire l’objet de notre second pa¬
ragraphe.
§ M. — Action- générale médiale du camphre sur L'organisme.
L’expérience dont j’ai fait meDti6n,,page 13, nous a amené à re¬
connaître au camphre deux modes d’action éminemment distincts.
Nous venons de nous occuper du premier; quant au second, si
nous faisons attention que les animaux ne nous manifestent jamais
aussi complètement que l’homme les troubles de leur économie, et
que leurs cris, leurs gémissements, tout l’ensemble des mouvements
qu’ils présentent, nous laissent dans l’impossibilité d’apprécier les
causes dont ils sont te résultat, nous nous trouvons astreint à nous
servir, dans l’étude qui va suivre, d’autres expériences, d’expé¬
riences sur l’homme lui-même.
— !9 -
Voyons d’abord les expériences qui ont été faites sur les ani¬
maux :
Menghini enferme successivement des guêpes, des puces, des
punaises, des araignées, des scarabées et des insectes de toute
espèce et de toute grandeur, dans un verre recouvert d’un papier
percé de trous pour donner accès à l’air, les soumet à l’action des
vapeurs de camphre et les voit mourir au bout d’un temps qui varie
avec la force de l’insecte soumis à l’expérience (Comment, bono-
niens, l. III, p. 314, 317).
il veut encore éprouver les effets du camphre sur des oiseaux,
renouvelle ses expériences sur toutes les espèces dont il peut dis¬
poser, cherche dans l’échelle des êtres à se rapprocher de l’homme,
administre du camphre à des rats, des lapins, des brebis, des
chats, des chiens, etc., proportionnant toujours les doses ingérées
à la taille et au degré de force de l’animal.
Les effets qu’il obtint furent variés, « mais, dit-il, tous les ani¬
maux soumis à l’expérience furent gravement affectés.»
Chez quelques-uns les symptômes qui se manifestèrent les pre¬
miers furent des mouvements convulsifs; chez d’autres des accès de
fureur, du désordre, de l’abattement, de la torpeur, etc.; quelques-
uns vomirent le poison, d’autres eurent du hoquet, d’autres une
respiration anxieuse, d’autres des évacuations alvines mêlées de la
matière toxique, d’autres avaient de l’écume à la bouche, etc.;
enfin chez la plupart la mort suivit de près l’ingestion du poison
et l’invasion des symptômes.
L’autopsie lui démontra quelques traces d’inflammation dans les
poumons, le cœur, les méninges, surtout dans l’estomac et les intes¬
tins. Le sang, coagulé dans les vaisseaux chez les uns, était liquide
et rutilant chez les autres. La bile était surtout affluente chez tous
ceux qui présentaient ces lésions de l’estomac et des intestins (loc.
cU., t. IV, p. 58 et seq., 119 et seq.).
Carminali, désirant suppléer les expériences de Menghini, injecte
- 20 —
2 gros (8 gr.) de camphre en solution mucilagiueuse dans l’anus
d’un lapin et voit se développer les mêmes symptômes.
L’autopsie lui révèle des lésfons analogues {loc. cit., t. IV, p. 20'i).
î.e même auteur renferme des grenouilles dans un espace de
20 centimètres cube dans lequel il met préalablement 3 gros
(11 gr. 70 centigr.) de camphre, et au bout de dix à vingt minutes
il les voit s’agiter, leur respiration devient pénible, des mouve¬
ments convulsifs surviennent, et l’animal meurt {de Animalnim ex
mephitibus interitu, p. 186).
Enfin Monro a fait des expériences analogues sur diverses espèces
d’animaux, et conclut de ses expériences que le camphre pris à
grande dose agit sur eux comme narcotique (Essaijs and obsera.
philosophie Soc. in Edimburg, t. III, p. 355).
Quelques auteurs, même Gorradori, Schrader’s Villdenow, Barton,
sont allés jusqu’à expérimenter le camphre sur les plantes et sont
arrivés à des conclusions toutes différentes; nous n’avons pas à
nous en occuper ici. Nous dirons toutefois que cette substance
semble avoir sur les végétaux une action analogue à celle qu’elle
exerce sur les animaux, et que la différence dans les résultats pou¬
vait peut-être tenir à la dose de substance dont on s’est servi dans
les expériences entreprises à cet égard.
Enfin, plus récemment, Orfila fait de nouvelles expériences sur
les chiens. Pour s’opposer aux vomissements et s’assurer de l’action
de la substance ingérée, il lie l’œsophage, excepté dans .sa première
expérience; le résultat vient lui montrer Pulilité de cette précau¬
tion.
Dans toutes ces expériences, les symptômes d’intoxication sont les
mêmes et ne varient guère que pour l’intervalle qui s’écoule entre
l’ingeslion du poison et les premiers symptômes et le temps après
lequel l’anima! suecombs.
Nous allons rendre compte de ces expériences, renvoyant le lec¬
teur à la page 13 pour l’énumération des symptômes qui ont été
— 21
observés et au tome II de la Toxicologie d’Orfila, ou à la thèse de
Courraut, son élève (Paris, 7 janvier 1815, n° 5), pour d’autres ren¬
seignements que l’étendue du sujet ne nous permet pas de relater
ici dans tous leurs détails.
expérience. Ingestion de 8 grammes de camphre en suspen¬
sion dans un jaune d’œuf; dix minutes après, l’animal éprouve les
premiers symptômes, suivis de près par un premier accès, à la suite
duquel l’animal vomit la substance ingérée.
//® expérience. Ingestion de 12 grammes de camphre dissous
dans 45 grammes d’huile d’olive; ligature de l’œsophage; au bout
de quelques minutes, premiers symptômes, suivis d’un accès général
qui a duré une minute et demie; cessation des accidents pendant
vingt minutes ; second accès; mort sept minutes après le commen¬
cement du second accès^
Autopsie. Sang du ventricule gauche rouge foncé; poumons
affaissés, d’un tissu plus serré qu’à l’ordinaire et visiblement in¬
jecté.
Les résultats ont été les mêmes avec 8 grammes de camphre
donnés dans les n)êmes conditions.
//i® expérience. 12 grammes de can^phre dans 120 grammes
d’huile sont donnés à un chien; ligature de l’œsophage; au bout
de quelques minutes, premiers symptômes; mort en huit heui-es.
Autopsie. Injection par bandes dans l’estomac; rien au cerveau.
/F' expérience. 75 à 80 centigrammes de camphre dissous dans
12 à 16 grammes d’huile d’olive sont injectés dans les veines d’un
chien ; instantanément il présente les mêmes symptômes que dans
les autres expériences; mort en quatre, six ou huit minutes.
expérience. Injection dans les veines de 3 décigrammes de
camphre; mort en quatorze heures.
FI® expérience. 24 grammes de camphre dissous dans de l’huile
_ 22 —
sont placés dans le tissu cellulaire du dos d’un chien robuste; cinq
jours après, l’animal n’avait encore rien éprouvé.
F//® expérimce. La même dose est placée dans le tissu cellulaire
de la partie interne de la cuisse d’un petit chien ; l’intoxication se
manifeste au bout de vingt-quatre heures; mort deux jours après.
y//i® expérience. Ingestion de 16 grammes de camphre efi frag¬
ments enveloppé dans du papier; mort en quatre jours.
Autopsie. Quatre ulcères au pylore.
IX^ expérience. Voir page 13,
Telles sont à peu près toutes les expériences qui ont été faites sur
les animaux et qui nous font admettre sans réserve les conclusions
de M. Bouchardat [Mnmiel de thérapeut. et mat. méd., édit. 1864,
t. 1®'', p. 277). Laissons-le parler lui-même: « Si l'on considère l'ac¬
tion du camphre sur la série animale, on trouve qu'il tue toutes les
plantes, tous les animaux inférieurs ; que ceux qu'il n empoisonne
pas immédiatement sont d’autant plus affectés qu’ils s'éloignent plus
de l’homme. C’est une arme avec laquelle il peut se défendre sans se
compromettre de tous les parasites qui l’entourent et qui semblent
attendre et provoquer sa fin. On pourrait dire, d’une façon générale,
qu'à l’oppo'sê des •sôêanées vkeuses le camphre épargne d'autant plus
Les êtres organisés qti'ih se rapprochent plus de l'homme. »
^ Examinons maintenant l’action du camphre sur l’homme.
Alexander, médecin d’Edimbourg, fit sur lui-même, à l’égard de
cette substance, un essai qui faillit lui coûter la-vie. Il prit un scru¬
pule (I gr. 30 centigr.) de camphre dans du sirop de roses; immé¬
diatement après son ingestion, il observa que le pouls commençait
à se ralentir, de 68 pulsations il tomba à 65,,,puis il revint monter
à 77. Il prit alors une seconde dose de 1 scrupule; cette fois le
pouls de 77 tomba à 67, un thermomèlTe placé sur Pépigastre
baissa de 1 degré. 11 éprouva une grande prostration des forces,
ries pandiculations, une dialeur désagréable dans la bouche et
— 23 —
dans la gorge. La force des battements du cœur avait .considérable¬
ment (iiminué; il éprouva des anxiétés précordiales. Il fut ensuite
saisi de vertiges, de bâillements, de nausées, perle de mémoire,
anesthésie des sens, impossibilité de lire , fureur avec écume à la
bouche, et le pouls remonta jusqu’à 100 pulsations. Dans cet étal,
Monro fut appelé; il lui administra de l'eau tiède qui lui fit vomir
des morceaux entiers de camphre. Les facultés sensoriales revinrent
peu à peu, puis les vertiges et la chaleur cessèrent pour le laisser
dans une grande faiblesse. Une constipation opiniâtre suivit son ré¬
tablissement {Experimental essays, p. 227).
Cullen (trad. de Bosq., t. IL p. 312) cite un cas où, par erreur
de l’apothicaire, il fut donné à une maniaque 40 grains (2 grammes
16 cenligr.) de camphre. La malade eut une syncope et mettait la
main sur sa poitrine, comme pour indiquer que c’était là le siège
de son mal. Elle paraissait insensible, son pouls était très-faible et
se sentait difficilement; on observait à peine sa respiration, une
pâleur froide était répandue sur tout son corps ; cependant il par¬
vint à la rappeler à la vie.
Le même auteur dit que, à la dose de 30 grains, le pouls est
descendu de 10 pulsations chez celle même malade.
Fred. Lloffmann (de Usu- interno campiwrce) cite l’observation
d’une personne qui avala par méprise 2 scrupules (2 gr. 60 cenligr.)
de camphre, ce qui la rendit fort malade. L’action du remède se
manifesta par une faiblesse et une pâleur de tout le corps qui indi¬
quait évidemment une action sédative.
Le même auteur (trad. Hallé, Soc. roij. de méd., p. 66) cite l’ob¬
servation d’un hypocbondriaque qui avait des accidents spasmodi¬
ques très-fréquents et qui prit en une seule fois 26 décigramrnes de
camphre. 11 se manifesta bientôt des vertiges, froid aux extrémités,
anxiété, sueurs froides à la tête, délire léger, accompagné de somno¬
lence, pouls petit et languissant; puis survint une grande chaleur,
le pouls devint plus accéléré, les urines rouges, et le .malade fut
totalement délivré de ses spasmes.
24 —
Pouteau [Mélanges de chirurgie de Lyon, 1/^60, p. 184) cite un cas
dans lequel 60 grains (3 gr. 25 cenligr. ) de camphre produisirent
chez une Femme en couche un frisson qui dura presque une heure
avec la pâleur de la mort sur tout le corps; insensiblement la cha¬
leur revint à la peau sans qu’il parut de sueurs.
Baldinger [Programma de camplioræ connubiis, p. 4) prétend
avoir très-souvent observé que de petites doses de camphre suffi¬
saient pour faire tomber en syncope des femmes hystériques.
Une jeune fille, sous l’influence de 10 grains ( 55 centigr.) de
camphre, commença à pâlir dix minutes après l’ingestion. Elle eut
lès extrémités froides, le regard fixe et tomba en syncope; la res¬
piration était à peine sensible et la bouche pleine d’écume; puis
survint un vomissement violent avec lequel elle rejeta le camphre
ingéré. Enfin, peut-être sous l’influence du traitement qu’on lui fit
subir, survint un sommeil avec une sueur générale, qui furent les
derniers symptômes présentés par l’accident (Hufeland).
Callisen, qui donnait souvent du camphre, a remarqué que, à la
dose de 10 à 13 grains, de trois en trois heures, il produit un obs¬
curcissement de la vue, une diminution sensible de la chaleur, de
la pâleur, la respiration se gêne et s’accélère, le pouls devient petit,
inégal, intermittent. La durée de ces symptômes ne dépasse pas
une demi-heure. Alors la respiration devient plus libre , le pouls
reprend sa fréquence normale, il devient plus égal et plus plein, et
la chaleur revient par degré [Acta reg. Societ. med. llafniens, t. I,
.p. 418).
Orfila [Toxic., t. II) cite quelques observations également fort in¬
téressantes. Nous allons lui faire quelques emprunts qui, au point
de vue de l’action physiologique du camphre, offrent beaucoup
d’intérêt.
Observation U®. — M. prend 2 grammes de camphre dans un
lavement mucilagineux. Quelques minutes après, il sent un goût de
camphi'c à la gorge. Au bout d’un quart d’heure, n’ayant pas rendu
— 25 —
sou lavement, il éprouve un sentiment d’inquiétude et de malaise
général. 11 saute au bas de son lit et est tout surpris de se trouver
plus léger que d’habitude, il lui semblait eflleurer la terre en mar¬
chant, etc., etc.
Observation U. — Un jeune droguiste mâchonnait un morceau
(le camphre. Au bout d’un certain temps, il se trouve pris d’un accès
de Folie ébrieuse. Le pouls était petit et battait 180 pulsations, les
conjonctives étaient injectées, la pupille insensible à la lumière, la
respiration précipitée et laborieuse ; la face était pâle et égarée, le
besoin d’uriner très-fcéquent. Au bout d’un moment, il fut pris d’une
envie irrésistible de dormir, à laquelle on ne crut pas devoir céder
à cause de l’état du pouls. Bientôt une partie de tous ces symptômes
se dissipa, et on put lui laisser prendre trois heures de sommeil, au
bout desquelles il se trouva guéri.
Observation III. — Une femme guidée par la médecine Raspail
donne à ses petites filles une dose de camphre qui bientôt donne
lieu chez elles à des symptômes d’intoxication.
L’observation de la plus jeune est celle qui nous offre le plus
d’intérêt; nous jugeons donc à propos de la reproduire seule.
!.e médecin appelé constata que la face était très-pâle, le regard
fixe et stupide. Par intervalles de quelques secondes, des mouve¬
ments convulsifs, des membres supérieurs surtout, agitaient le corps,
cjui, plusieurs fois après s’être ramassé en boule, se détendait avec
une grande vivacité. La face était alternativement pâle et injectée;
les paupières, agitées convulsivement, laissaient voir les globes de
l’œil convulsés en haut et en dehors. La peau était pâle et humide
et la chaleur des téguments diminuée. Alternativement, la petite
malade perdait connaissance ou obéissait aux injonctions qu’on lui
faisait. La respiration était courte et bruyante. Trois heures après
survint un sommeil comateux., etc.
Enfin, si les ouvrages-de MM. Trousseau et Pidoux et de M. Bou-
t86G. — Foissac. 4
— 26 —
chardat ne se Irouvaienl pas entre les mains de tous ceux qu’inté¬
resse !a thérapeutique, c’est à l’œuvre de ces messieurs que nous
ferions un dernier emprunt : (Trousseau et Pidoux, Thérap., t. Il,
p. 263; Bouchardat, Manuel de tliérapeut. et mat. médic., t. !,
p. 279. Four ne pas allonger inutilement ce travail , nous y ren¬
voyons le lecteur.
En comparant les diverses expériences faites sur les animaux, nous
avons vu le camphre déterminer constamment la mort. D’autre
part, une de ces expériences d’Orhla) nous montre un animal
vomissant une partie de la substance ingérée, et, après avoir présenté
quelques phénomènes d’intoxication, revenir à la vie. Enfin nous
venons de voir aussi Culien, Hoffmann, Fouteau, Orfila, etc., nous
rapporter des observations dans lesquelles probablement, assuré¬
ment même, le camphre eût occasionné la mort si des secours n’eus¬
sent enrayé l’intoxication.
Quelle est donc la limite de l’action physiologique du camphre?
Nous voyons dans le fait rapporté par MM. Trousseau et Pidoux
(/oc. cit,, p. 263) que l’observateur est allé jusqu’à 2 grammes sans
qu’il en résultâl d’accidents. Dans l’observation de Culien, il en est
pris 2 grammes 16 centigrammes; dans l'observation d’Hoffmann,
2 grammes 60 centigrammes ; Alexandre en prend près de 3 grammes ;
la malade de Pouteau, 3 grammes 25 centigrammes; et dans ces
quatre derniers cas il se manifeste des accidents formidables.
M. Bouchardat (/oc. cit.) dit que, à la dose de 10 grammes, s’il est
absorbé, il peut occasionner la mort. Nous sommes bien loin de
penser que,, en cas d’absorption, cette dose soit nécessaire. D’après
MM. Trousseau et Pidoux, on peut aller jusqu’à 4 grammes en une
seule fois sans risquer d’accidents.
En présence des faits rapportés iplus haut et de leurs formidables
conséquences, peut-être hésiterions-nous à émettre une pareille
affirmation si nous ne pouvions nous abriter sous des autorités
aussi compétentes; toutefois nous n’oserions conseiller à personne
une semblable expérience.
■27 --
Il ost vraî fjiie le degré de tolérance varie suivant les sujets
(Cullen, trad. de Veaumorel, t. Ilj et suivant une foule de condi¬
tions. C’csl ainsi que nous voyons la malade d’Aliberl {Mal. médic.,
l. Il, p. 117) prendre 1 gros de camphre (3.gr. 90 centigr.) dans
une potion sans en être nullement incommodée ; mais l’observation
ne nous dit pas si celte dose fut prise en une seule fois.
Nous croyons donc pouvoir aflîrmerque la prudence défend d’aller
au delà de 2 grammes 50 centigrammes à 3 grammes ; peut-être
même ne sera-l-il pas toujours prudent d’atteindre à cette dose err
une seule fois.
A dose fractionnée, la conduite à tenir peut être toute différente.
Le camphre est absorbé rapidement, mais aussi son élimination est
rapide et les sécrétions se chargent d’en débarrasser l’économie. On
pourra peut-être, eu égard à ces conditions, dépasser 4 grammes
en un jour. Collin est bien allé jusqu’à une demi-once (26 gr.) de
camphre en un jour ; mais la tolérance exceptionnelle d’une pareille
dose n’en saurait justifier l’usage. Nous pensons même que, lors¬
qu’on un jour le praticien fait prendre une dose de camphre supé¬
rieure à 4 grammes, il devra surveiller l’action et se tenir en garde^
afin de suspendre l’administration en temps opportun. En voici la
raison ; une dose de camphre, si elle est trop forte, irrite la mu¬
queuse gastrique, la seconde dose ajoutera à cette irritation, et la
propriété absorbante sera d’autant plus diminuée que l’irritation
sera plus grande. L’absorption de cette dose pourra ne pas être
complète alors qu’il sera ingéré une nouvelle quantité de la sub¬
stance; il y aura accumulation de la substance ; il faut donc éviter
qu’il puisse s’accumuler une dose supérieure à celle que comporte
la limite physiologique.
Telles sont les limites qu’on ne doit pas dépasser.
A la dose de 10 à 20 centigrammes au contraire nous ne croyons
pas, à moins de susceptibilités particulières, que l’on puisse en
éprouver quelque effet. Notre opinion concorde en ce point avec
celle de A. Richard {Dict-, de bot.), qui prétend que si l’on donne
- 28 -
le camphre à la dose de 2 à 4 grains il n’occasionne aucun change¬
ment notable dans l’économie.
D’après Barbier, d’Amiens [loc. cit., t. 111, p. 385), pour obtenir
les premiers phénomènes, le ralentissement du pouls, le décroisse¬
ment de la chaleur animale, il faut aller jusqu’à 12 grains au moins
(60 centigr.) et 20 grains (1 gr ) au plus.
D’après Cullen (Bosq., loc. cit.) ces doses seraient encore insuffi¬
santes, et pour obtenir un effet du camphre il faut le donner à la
dose de 20 grains (1 gram.) au moins, et, si l’on en donne de plus
petites, il faut qu’elles soient réitérées à des intervalles très-courts.
Enfin Schwilgué prescrit le camphre aux doses suivantes : 1 demi-
gr. à 1 gram. par la bouche, 1 gram. à 3 gram. par l’anus, 5 à
10 gram. à la peau.
Dans ce qui précède, nous avons parlé des susceptibilités particu¬
lières de quelques sujets par rapport au camphre ; cela nous oblige
à quelques explications à cet égard.
Pour obtenir l’effet que l’on désire et ne pas le dépasser, il faut
apprécier toutes les circonstances qui peuvent activer ou ralentir
l’absorption et modifier ses résultats. Nous devons considérer la
durée de cette absorption, et par suite la quantité de médicament
introduit dans la circulation dans un temps donné.
Nous devons donc avoir égard à plusieurs conditions
1“ La nature du médicamenl. — Nous avons vu en effet, d’après
les expériences d’Orfila, que son absorption est beaucoup plus
prompte lorsqu’il est dissout ou en suspension dans un véhicule que
lorsqu’il est en fragments.
2" La partie sur laquelle on l'applique. — Nous savons que l’ab¬
sorption est d’autant plus prompte que la surface est plus vasculaire.
. 3“ Vâge du sujet. — On ne doit pas oublier que chez les enfants
l’absorption est très-prompte et le système nerveux beaucoup plus
susceptible.
4° L'état de santé ou de maladie. — Nous savons que l’état de
maladie donne quelquefois aux sujets une espèce d’immunité à
— 29 —
l’égard des médicaments, et que les doses peuvent être poussées
bien au delà de la limite physiologique sans que le sujet en éprouve
aucun effet fâcheux.
5“ Le sexe. — Chez les femmes domine surtout l’élément nerveux.
6° Le tempérament , \'idiosyncrasie. — Les sujets pléthoriques
fortement constitués et ceux chez lesquels prédomine le tempéra¬
ment nerveux sont très-sensibles à l’action du camphre.
C’est d’après les conditions particulières que nous venons d’énu¬
mérer que l’on pourra doser le camphre, mais le praticien ne devra
pas les perdre de vue.
Si maintenant nous rapprochons les observations d’Alexandre, de
Collin, de Fred. Hoffmam, de Fouteau, de Cullen, de Baldinger,
Calisen, Orfila, MM. Trousseau et Pidoux, que nous y joignions
celles de Whytt, Werlhoff, Griffin, Lassonne, Home, etc...., etc....,
voici ce que nous pourrons dire de l’action physiologique du
camphre ;
A haute dose on observe un ralentissement dans la circulation,
le pouls est petit et languissant, la force des battements du cœur
diminue considérablement ; la respiration devient rare, s’observant à
peine; anxiété précordiale vive, abaissement de la chaleur animale;
froid aux extrémités, sueurs froides à la tête, réfrigération parais¬
sant envahir le torse; décoloration des tissus, sentiment de faiblesse
et de brisement dans les membres, prostration des forces pouvant
aller jusqu’à la syncope; anesthésie des sens, insensibilité; délire
accompagné de somnolence, pandiculations, chaleur désagréable à
la gorge.
Au bout d’un temps variable surviennent des vertiges, des nausées,
quelquefois suivies de vomissements de la substance ingérée ; l’anes¬
thésie des sens continue, il survient des convulsions, puis une véri¬
table fureur avec écume à la bouche, augmentation et acc léraiion
du pouls, augmentation dans la force des battements du cœur, cha¬
leur à la peau, urines rouges et abondantes ; puis tous ces symptômes
cessent pour faire place au sommeil.
— 30
L’examen attentif de ces symptômes nous amène à reconnaître,
avec MM. Trousseau et Pidoux, deux actions bien tranchées se
succédant dans l’organisme.
La première est une action sédative, la seconde est une action
slimulanle : c’est pour n’avoir pas observé avec toute l’attention
voulue ces deux ordres d’effets que les auteurs sont arrivés à des
résultats contradictoires au premier abord et que la classification
des faits observés nous explique très-bien.
C’est ainsi que nous voyons Craton et L. Daniel avancer que le
camphre, même à très-petite dose, détermine une violente excitation
sanguine et nerveuse, et Fréd. Hoffhaann réfuter vivement ces deux
auteurs [Dissertatio de usu inlerno camphorœ, Hallé, 1714, p. 20),
assurant avoir donné plus d’une fois à un homme sain depuis 1 scru¬
pule (1 gr. 30 centigr.) jusqu’à demi-gros (1 gr. 95) de camphre
sans avoir pu remarquer ni augmentation de chaleur, ni élévation
du pouls..., etc...., mais au contraire un refroidissement sensible,
surtout vers la région précordiale, et plus loin il ajoute qu’une
once d’esprit-de-vin, ou même une bouchée de vin généreux (xinicus
hausliis vini generosi), excite souvent plus de chaleur que 2 gros
(7 gr. 81 centigr.) de camphre.
Cullen (Bosq., t. IT) ne comprend pas que Quarin ait pu dire, en
parlant du camphre et de ses effets : aPulsum celerrïmum, faciem
ruberrimam oculos torvos, inflammatos, convufsiones et phrenelidem
lœthalem secutam fuisse. »
Et cependant il admet bien qu’une réaction suive immédiatement
l’effet sédatif, puisqu’il l’explique par <ile combat qui survient entre
la force de la puissance sédative et la réaction du système y> (sic) [loc.
cit., p. 312).
Tous ces faits nous amènent donc à reconnaître au camphre ces
deux actions; mais le camphre possédé encore d’autres propriétés.
ÎNous avons vu, p. 16, que fe camphre introduit dans la bouche
augmente la sécrétion de la salive et du mucus buccal. Absorbé,
ii exerce encoie sur les glandes salivaires la même action, et la sa¬
live possède alors Todeur du camplire.
Sous la muqueuse palpébrale il excite'la sécrétion des larmes;
mais nous peîisons que ce n’est qu’une irritation locale, car il ne
détermine pas cet el'fet lorsqu’il est pris à l’intérieur.
La transpiration cutanée au contraire, augmentée sous son in-
Huence, eu est imprégnée (Schwilgué, l. I, p. '374). 1! en est encore
de même de rexhalalion pulmonaire (Barbier, d’Amiens, loc. cil,).
La sécrétion de l’urine semble être excitée par le camphre à lln-
térieurfRoux, Traité des 'fièvres adijnamiques, p. 273) ; mais, d’après
Lassone et ’CuUen, elle n’en prendrait jamaisl’odeur (Barbier, d’A¬
miens, t. lll), opinion que nous trouvons reproduite par Schwilgué
(/oc. cit., t. 1, p. 374). Toutefois Lurine devient plus rouge [Obs.
d’Hoffmann, trad. par Hallé, p. 66), et le camphre aurait la singu¬
lière propriété de dissoudre l’acide urique fDict. anonyme bolan. et
pharmaccut., 1759).
Orfila (t. 11) met en note que des frictions d’huile camphrée pra¬
tiquées à la partie interne de la cuisse chez l’homme exercent une
action directe sur les reins et la vessie. 11 est probable que dans ce
cas il agit comme diurétique.
Citons un fait que nous trouvons dans la Botanique médicale
A. Richard (p. 186) et que nous eussions bien voulu retrouver ail¬
leurs; le voici reproduit textuellement : « Un assez grand nombre
défaits tendent à prouver l’action que le camphre exerce sur la sé¬
crétion du lait; il la ralentit d’une manière évidente et finit même
par la tarir complètement, soit qu’on en Jrictiomie les mamelles, soit
qu'on C administre sous forme de lavements. dNolis eussions vivement
désiré que A. Richard nous indiquât où sont rapportés ce .grand
nombre de faits, malheureusement toutes nos recherches à cet égard
ont été infructueuses; et comme la sécrétiori du lait se tarit fort
bien d’elle-môme, nous ne jugeons pas à propos de rappeler ici deux
observations qui nous sont particulières et auxquelles on pourrait
très-bien nous objecter que notre certitude sur l’action du camphre
— 32 —
en pareil cas n’es( rien moins que fort incertaine; c’est une chose à
soumettre au contrôle de Texpérience,
Enfin voici une question qui a été bien discutée : le camphre est-
il anti-aphrodisiaque ?
Alibert (t. II, p. 117) nous rapporte l’observation suivante : «Une
femme âjjée de 28 ans était atteinte de quelques légers accès de fu¬
reur utérine; les élèves de l’hôpital Saint-Louis lui firent prendre
une potion alcoolique contenant 1 gros (3 gr. 90 cent.) de camphre.
Les désirs effrénés qui s'étalent manifestés la veille furent anéantis,
et la femme dont il s’agit en fit elle-même l'aveu devant une grande
quantité d'élèves. Depuis celte époque elle a avalé à trois reprises dif¬
férentes la même quantité de camphre, et on a toujours observé des
effets analogues. »
Valmont de Bomarre (Dict. d'hist. nat.) s’exprime ainsi : « On
prétend que le camphre détruit les feux de l'amour, on dit même
que son odeur rend les hommes impuissants :
Camphora per nares, castrat odore mares.
7nais il est certain que les gens qui travaillent co7itinuellement sur
le camphre n'ont jamais rien éprouvé de semblable. »
Chôme! (oict. économique) dit que quelques médecins prétendent
qu’en portant sur soi un sachet où il y a du camphre on devient
moins ardent pour les femmes.
Noiis-même nous nous rappelons avoir vu conseiller le camphre
à l’intérieur et en frictions contre un cas de nymphomanie, et ce
procédé eut un excellent résultat. Malheureusement le camphre
n’était dans ce cas qu’un moyen palliatif, et, à la sollicitation de la
famille, le chirurgien fut obligé de recourir à une opération san¬
glante. .
Depuis cette époque nous avons souvent conseillé le camphre
contre les érections si pénibles de la période aiguë de la blennhor-
rhagie; nous n’avons jamais eu l’occasion de lui reconnaître des
- 33 —
propriétés auti- aphrodisiaques fort énergiques. Peut-être avons-
nous été trop timide à l’égard de la dose; nous n’avons jamais
dépassé ( gramme.
Enfin nousajouterons à cet égard que les anciens Indiens n’avaient
pas constaté des propriétés anti-aphrodisiaques à cette substance,
qui, objet de luxe comme nous le disions ailleurs, devait servir de
parfum aux courtisanes, si nous interprétons bien ce passage du
Tclinanro, poëme sanscrit (loc. cit., verset 9) : «A celte heure même
Je me la rappelle comme elle est dans nos embrassements (in copu-
ialione, note du traducteur), rouge du vin quelle a bu, sa bouche
toute pleine de camphre... » Du reste, nous savons que le camphre,
très-recherché par tous les peuples orientaux, ne serait peut-être
pas si estimé s’ils pouvaient se douter que cette substance possède
de telles propriétés; mais, en revanche, rien ne nous dit que l’habi¬
tude ne leur donne pas une certaine immunité. On pourrait peut-
être expliquer l’usage qu’ils en font par la folie ébrieuse que pro¬
duit le camphre à haute dose [übs. d'Orjîla, page 25). Cependant,
comme c’est là un effet produit accidentellement par le camphre, il
serait plus rationnel d’admettre que peut-être ils s’en servent pour
l’opposer à l’opium,
Tels sont les effets du camphre. Évidemment, si nous nous atta¬
chons à ses propriétés toxiques, nous le placerons dans la classe des
narcotico âcres ; c’est du reste là que le place Orfila.
Mais, si nousconsidérons son action au-dessous de la dose toxique,
nous pourrons le ranger dans les sédatifs et aussi dans les excitants.
Murray {Apparatus medicammiim, t. IV, p. 482) le compare à
i’opium et fait observer que tous les deux ont une action sédative
et une action stimulante, mais dans un ordre renversé. C’est ainsi
que l’opium commence par une action stimulante, le camphre par
une action sédative; c’est pourquoi (/oc. cit., p. 70) ces deux sub¬
stances sont antidotes.
D’après Roux {Traité des fièvres adynamiques, p.873), l’action du
camphre est moins prompte, mais plusdurable que celle de l’opium.
1866.- Foissac. 5
-, 34 -
Le camphre ne provoque pas la constipation, il occasionne même
la sueur et augmente la sécrétion urinaire. l,e praticien peut tirer
parti de cette différence, selon qu’il faut réveiller l’action de la peau
ou diminuer le flux alviu si le ventre est trop libre.
Enlin, d’après Schwilgué (/oc. cil.), le camphre est plus utile que
l’opium quand on doit craindre d’augmetiter la circulation et de
déterminer le narcolisme; l’opium est préférable lorsque l’excita¬
tion de la cirçulalion est indiquée ; l’un et l’autre favorisent la
transpiration cutanée, avec celle difféience que celle-ci est dans un
cas liée à l’augmentation de la circulation et non dans l’autre.
Quelques auteurs auraient aussi voulu rapprocher l’action du
camphre de celle des strycbnos. Nous ne nous y serions pas arrêté
si Oifila n’y eût répondu lui-même en faisant observer que si les
strycbnos agissent sur le système nerveux, leur limite d’action ne
s’étend pas au delà de la moelle épinière, tandis que l’action du
camphre s’étend au système nerveux général.
MM. Bouchardat, Trousseau et Pidoux, le placent parmi les anti¬
spasmodiques. Nous n’avons encore rien dit de cette propriété, dont
nous nous occuperons dans la partie thérapeutique de cet ouvrage.
En résumé, nous pensons que le mode d’action du camphre varie
selon le mode d’administration. 11 possède des propriétés contraires
lorsqu’on le donne à des doses différentes et qu’on agit sur des in¬
dividus de diverses complexions (Richard et Chevallier, loc. cil.).
Si on le donne à haute dose et en une seule fois, les phénomènes
sédatifs pourront être très-intenses, mais de courte durée, et la
réaction sera d’autant plus considérable. Alors le médicament peut
être considéré comme stimulant.
Si, par contre, on le donne à doses fractionnées et répétées à de
courts intervalles, on pourra obtenir une sédation continue. A
petites doses, d’après A. Richard {Bot. méd.), il calme les mouve¬
ments ataxiques, fait cesser jes convulsions, et, en un mot, agit à la
manière des sédatifs. Du reste, la dose varie suivant les effets que
l’on veut produire.
-■ 35 -
INous verrons en thérajjeiiliqüe quel est le parti que l’on peut tirer
lie ces différentes manières de faire.
RECHERCHES MÉDICO-LÉGALES.
L’action du camphre à haute dose, avons-îious dit ailleurs, solli¬
cite le vomissement. L’empoisonnement par le camphre est donc
très-rare ; cependant il en existe quelques cas..
La quantité de la substance qu’il faut ingérer pour en faire un
poison et la difficulté de le dissimuler dans un véhicule, excluent
la possibilité d’un crime.
L’expert ne peut donc être appelé qu’à constater un homicide par
imprudence ou un suicide.
Les détails dans lesquels nous sommes entré à l’égard de l’action
physiologique nous dispensent d’y revenir.
Quant à l’autopsie, l’odeur seule du camphre qui imprègne tous
les tissus suffira pour amener l’expert à reconnaître la cause de la
mort.
L’état de phlogoso ou l’ulcération de l’estomac, rittjeclion des
méninges et du poumon, viendraient au besoin confirmer ses soup¬
çons à cet égard.
USAGES THÉRAPEUTIQUES.
Les effets si variés que détermine le camphre sur l’organisme ont
conduit les médecins à s’en servir dans bien des cas. Son action sur
la circulation indiquait son emploi contre les fièvres; son action
réfrigérante a été utilisée contre les inflammations; son action sur
le système nerveux l’a fait opposer aux névroses, etc.
D’autre part, nous avons vu que localement le camphre est irri¬
tant dans certains cas, et que ses effets sur l’organisme sont
variables selon quelques conditions que nous avons énumérées
ailleurs.
Par suite, l’emploi du camphre a ses contre-indications.
- 36
Contre-indications de L'emploi du camphre. —La première est l’état
inllammaloire du tube digestif. On ne devra pas administrer le
camphre lorsqu’il y aura un étal saburral des premières voies
(Barbier, d’Amiens, loc. cit.; A. Richard, loc. cit. ; Aliberl, Loc. cit.).
Cela se comprend : la muqueuse est enflammée et ses propriétés
absorbantes sont diminuées; le camphre ingéré se trouvera donc
plus longtemps au contact de la muqueuse, et son action locale irri¬
tante viendra ajouter à l’inflammation préexistante.
Alibert le proscrit dans la métrorrhagie et Richard dans la plé¬
thore. Pourquoi, dans ces cas-là, existe-t-il une contre-indication
de son emploi? Si le camphre agit comme sédatif de la circulation,
son administration ne peut être que fort avantageuse contre l’hé¬
morrhagie en général, l’hémorrhagie utérine en particulier, et
toutes les affections qui se lient à la pléthore. Il est vrai que, après
i’elt’et sédatif, se manifeste une réaction avec activité de la circula¬
tion, ce qui nous expliquerait peut-être pourquoi ces auteurs consi¬
dèrent ces états particuliers comme des contre-indications.
Mais nous avons déjà dit ailleurs qu’on pouvait peut-être, dans
le mode d’administration et la dose, obtenir ou l’une ou l’autre de
ces actions. Dès lors cet état ne serait qu’une contre-indication de
l’emploi du camphre comme stimulant.
Enfin, dans le Dici. a7ionyme botanique et phaï'maceutiqwe (1759),
nous trouvons « ne faut pas s en servir là où il y a des veilles
importunes, car il les augmente. » Quel sens devons-nous attacher
à ces mots veilles importunes? C’est un symptôme qui se lie à
beaucoup de maladies dans lesquelles le camphre peut cependant
être bien utile. Toutes les interprétations que nous pourrions
donner à ces deux mots nous entraîneraient trop loin ; aussi nous
bornons-nous à les citer, espérant que quelqu’un plus versé que
nous dans le vieux langage médical nous en donnera la véritable
signification.
En résumé, pour nous, il n’existe qu’une seule contre-indication,
c’est l’état inflammatoire de l’estomac et des intestins, que cet état
- 37 —
soit idiopathique ou symptomatique de lésions quelconques de ces
organes.
Examinons maintenant les maladies contre lesquelles on a pré¬
conisé le camphre et nos observations particulières.
ghapitiae r
DES PYREXIES.
§ 1. Fièvres continues. — Dans la fièvre éphémère et la fièvre
synoque nous ne pensons pas que personne ait songé à employer le
camphre; cependant, d’après A. Richard, ses eFfets sédatifs le ren¬
draient utile dans les fièvres en général.
Dans la fièvre typhoïde, au contraire, le camphre a souvent été
employé. Cullen l’administre dans cette maladie, parce qu’il lui re¬
connaît des propriétés antiseptiques, opinion que nous trouvons
reproduite par Valmont de Bomarre et par Richard et Chevalier :
«Il ne faut pas cependant, dit Richard, lui attribuer des qualités
antiseptiques aussi merveilleuses que celles qu’on a cru devoir lui
attribuer jadis avec tant de confiance.»
Toutefois rappelons en passant les expériences de Pringle [Obser¬
vations sur les maladies des armées, t. Il, p. 207), qui démontrent
que 2 grains de camphre mêlés à l’eau dans laquelle on veut
conserver de la viande la conservent bien plus longtemps de la
putréfaction que 60 grains de chlorhydrate de soude.
Rappelons encore une autre observation que nous n’avons pas
retrouvée, dans laquelle l’auteur démontre que quelques grammes
de camphre dans une cloche de verre où l’on a suspendu de la
viande s’opposent à la putréfaction d’une manière itidéfiinie, ce qui
le conduit à proposer un semblable procédé pour conserver les
préparations anatomiques.
Comme stimulant, le camphre trouvera son emploi contre i’ady-
— 38 —
namie. D’après Roux (^Traité des fièvres adynamiques), c’est un des
excitants les plus actifs que l’on puisse employer contre la syno({ue
putride lorsqu’elle est intense. Il reconnaît à ce remède une action
prompte et vive assez durable, et justifie l’emploi qu’il en fait par
cette opinion de Murray, que ce n’est pas seulement en raison de
.sa vertu antiputride qu’il est utile dans ces maladies, mais en rele¬
vant les forces et en expulsant les miasmes morhifques par la per¬
spiration. Du reste, il ne le donne pas seulement comme diaphoré-
tiqiie, mais comrne excitant général et comme tonique. Schwilgué
lui reconnaît aussi des propriétés toniques, et, avec Alibert, il le
recommande dans ces maladies. '
Contre la forme ataxique, l’utilité de son action sédative ne peut
être méconnue. La prostration des forces, l’irrégularité du pouls, le
délire, le froid aux extrémités, les mouvements convulsifs, les sou¬
bresauts des tendons, seront des indications de son emploi, l! favo¬
risera la transpiration, régularisera le cours du'sang, calmerg l’in¬
tensité des symptômes nerveux, et aidera à une réaction que la
nature est quelquefois devenue impuissante à produire.
Enfin Roux, le préconise contre les pétéchies et les sugillations,
qu’il considère une tendance à l’hémorrhagie, et Rivière {Observa¬
tions de médecine, Lyon, 1724) cite plusieurs observations de ce
genre dans lesquelles le camphre aurait arraché le malade à une
mort certaine.
Cullen a beaucoup employé le camphre dans les fièvres de toute
espèce, surtout dans les fièvres nerveuses, accompagnées de délire
et d’insomnie considérable: «Si, dit-il, on ne s’est pas aperçu de ses
bons effets, je crois qu’on ne doit l’attribuer qu’à ce qu’on l’a pris
en trop petite quantité. »
Nous avons vu employer le camphre dans la fièvre typho'ide ;
voici dans quelles circonstances :
Observation 1". — B. M... est entrée à l’hôpital de la Pitié, le
14; avril,, salle Sainte-Geneviève, n° 12. Elle se plaint de toux conti-
nuelle avec fièvre le soir, el présetUe qiiél(|ues craquements hu¬
mides aux somuiels. Eüe accuse de la céphalalgie, des nausées; sa
langue est large est saburrale. — On lui prescrit un vomitif.
Le 21 avril,'elle présente des taches rosées lenticuiairès; la peau
est chaude et sèche; le pouls faible, dicrote, bat 124 pulsations ; la
face est rouge, quelques vertiges, ballonnement du ventre, douleur
dans la fosse iliaque droite. — Limonade, 1 gramme de camphre en
10 pilules.
Le 22, au malin, la malade est dans le même état, et ce n’est que
le 27 que le pouls commence à diminuer d’intensité, et bientôt
commence la convalescence.
Dans le cas présent, peut-on attribuer au camphre une action
réellement utile? est-ce bien sous son influence que le pouls est
descendu? et, s’d avait agi d’une manière réellement efficace,
n’aurions-nous pas dû voir dès le premier jour les symptômes fé¬
briles diminuer d’intensité?
Observation 11. — X..., entré,'le 15 février 1865, salle Saint-
Raphaël, n° I2, a une fièvre typhoïde.
Le 4 mars survient du délire , le pouls monte jusqu’à I16 pul¬
sations, la chaleur de la peau est considérable, une sueur visqueuse
couvre le corps. — Pneumonie intercurrente. —11 prend I gramme
de camphre en pilules.
Le 5, il est dans le même état, mais la chaleur à la peau.semble
diminuée. — Le camphre est continué.
Le 6, le pouls >est descendu à 108 ; il est mou, dépressible ; la
peau est encore chaude, sèche et amaigrie; accablement général.
Le 7, le pouls est remonté; il est petit, filiforme, irrégulier; le
malade est dans le coma.
Le 8, mort.
Observation 111. — X..., entré, le 17 janvier, à la salle Saint-
Raphaël, n” 35, a une fièvre typhoïde.
Le 4février, la diarrhée et les principaux symptômes ont disparu;
— 40
le pouls reste encore à 104 pulsations, un peu dur, régulier ; cépha¬
lalgie, chaleur halitueiise de la peau.—(Julep, i gramme de camphre.)
Le lendemain, le pouls est à 92; la chaleur de la peau est diminuée ;
la céphalalgie a presque disparu. — (Le camphre est continué.)
La convalescence ne se fait pas longtemps attendre.
Dans ces deux dernières observations, l’emploi du camphre fut
avantageux. Bien que l’un de ces malades soit atteint de pneumo¬
nie intercurrente à laquelle il a succombé, nous voyons le cam¬
phre exercer son influence sédative sur la ciculation. Dans le der¬
nier cas, il fait disparaître l’état fébrile et fait_ presque immédiate¬
ment arriver la convalescence.
§ IL — Piètres éruptives. — L’usage de ce médicament a surtout
été recommandé dans les fièvres éruptives à forme ataxique et ady-
namique. Roux (/oc. cit., p. 325) l’emploie lorsque le pouls baisse,
lorsqu’il se manifeste des pétéchies, quand la couleur des boutons
varioliques pâlit, lorsque les pustules s’affaissent.
Il rapporte également (p. 330) le conseil que donne Frédérick
Hoffmann d’administrer un mélange d’acide benzoïque et de cam¬
phre alors que les taches rnorbilieuses sont pâles et livides, et des
fomentations camphrées et aromatiques sur la peau dans la forme
gangréneuse de la même affection.
Schwilgué le conseille pour exciter localement et par contiguïté.
Enfin il peut agir comme antiseptique dans la variole, comme le
prouve l’observation suivante, tirée du Journal des Connaissances
médico-chirurgicales (1858, p. 347).
M. Neurold rapporte que, en 1839, une épidémie de variole sé¬
vissant dans le comté d’Oidenburg, il avait, pour satisfaire aux
nombreuses inoculations qu’il avait à faire, vingt-quatre aiguilles
toutes préparées. Par hasard il en déposa douze dans un coffre
renfermant quelques fragments de camphre. Après avoir épuisé
avec un succès constant les douze premières aiguilles, il eut recours
aux douze autres qu’il avait déposées dans le coffre. Alors, quoique
le virus ait été pris à la même source, les inoculations échouèrent
toutes. Refaites sur les mêmes sujets avec du virus pris à une autre
source, elles réussirent très-bien et presque toutes. Le virus avait
donc été modifié par un agent qui, dans les circonstances présentes
ne pouvait être que le camphre, ce qui s’expliquerait par son ex¬
trême divisibilité et la propriété qu’il a de pénétrer les corps po¬
reux et de s’y fixer.L’épidémie régnante fournissant les moyens de
vérifier cette hypothèse par l’expérimentation , il mit dés com¬
presses imprégnées de camphre sur des vésicules d’inoculation et
des pustules de variole, qui furent ainsi arrêtées dans leur processus
et avortèrent.
Employé à l’intérieur à doses fractionnées, il parut diminuer la
fièvre, abréger la maladie et favoriser une convalescencô rapide.
Sur quarante varioleux ainsi traités, M. Neurold n’en perdit qu’un
qui était dans un état désespéré lorsque le traitement lui fut ap¬
pliqué.
Dans cette observation, le camphre a agi comme antiputride.
Barbier, d’Amiens, appuie cette opinion et le conseille comme an¬
tiputride dans les varioles confluentes accompagnées de putridité.
Cependant, d’après une observation que nous rapporterons tout
à l’heure (voy. pag. 49), notre malade était soumis depuis quelques
jours à l’usage du camphre, ce qui ne l’a point empêché de con¬
tracter la variole.
§ lll. — Maladies pestilentielles. - - On s’est beaucoup servi du
camphre dans toute cette classe de maladies. Bertrand le considère
comme le spécifique de cette maladie et le préconise à la dose de
20 à 30 grains par jour et en frictions dissous dans l’huile (Essai
sur la peste; Montpellier, 14 messidor an X) : Si l'on me demandait
quel est le médicament le plus nécessaire pour guérir la peste, je
dirais d'abord le camphre, puis le camphre et encore le camphre. EA
iStiCi. — Fois
— 42 —
plus loin il ajoute que c’est le médicament dont on peut se servir
le plus avanlajjeu'srement dans tous les cas.
Enfin i! est une maladie qui naguère encore désolait Paris, con¬
tre laquelle les médecins ont éj)uisé leur savoir et leur thérapeu¬
tique, c’est le choléra , auquel on n’a jamais pu opposer que la
médication des symptômes.
Nous ne devons pas nous étonner qu’on ait prescrit le camphre à
l’extérieur et à l’intérieur, et que plusieurs médecins en aient fait
un spécifique qui malheureusement n’eut pas plus de succès ^ue
les autres, bien qu’on dût en attendre une réaction artificielle qui
aiderait la nature , si souvent impuissante à la produire par elle-
même.
!.e professeur Magendie prescrivait des lavements et des frictions
camphrées, et « par ces moyens, disait-il, aidé de sinapismes et d’au¬
tres stimulants, il est toujours parvenu à exciter la circulation du
sang [Mémoire sur le clioléra-morbus épidémique de l'Inde, par Jo¬
seph Mailloux, de Pile Maurice).
Dutrouleau ( Traité des maladies des Européens dans les pays
chauds), contre la suppression des urines dans la fièvre jaune, pré¬
conise les frictions ihérébentinées sur les reins et les lavements
nitrés et can)phrés.
§ IV. — Fièvres intermiltenles. — Le camphre, employé contre les
fièvres intermittentes, a eu, d’après certains auteurs, les meilleurs
résultats; Lémery et Chomel te conseillent comme fébrifuge sus¬
pendu au cou dans un nouet.
D’après Alibert, Barthez l’aurait donné avec succès dans les fiè¬
vres intermittentes avec symptômes nerveux. 11 faisait prendre toutes
ies heures un mélange composé de 3 grains de camphre et 8 grains
de nitrate de potasse.
' Hallé (Soc. roy. de méd.,\.. Y, p. 69) a remarqué que ce mélange,
donné au malade dans les trois heures qui précédaient le frisson,
semblait .s’opposer à l’accès; il a même réussi à le faire avorter
— 43 —
co.npiétemeiit; el si cet accès avait lieu, il ne présentait aucun des
symptômes nerveux qui existaient aux accès précédents, et il était
plus simple et plus modéré.
Le Journal des Connaissances médico-chirurgicales (1853, p. 530)-
publie plusieurs observations dans lesquelles l’usage externe du
camphre uni à l’opium fut suivi des meilleurs effe's. .
Une dame eut une aménorriiée et des accès de fièvre intermit'
tenta contra lesquels le quinquina avait toujours eu des- effets nui¬
sibles. Le D" Chreslien eut recours à l’opium par la bouche et la
teinture d’assa fœtida par le rectum. La fièvre cessa pour reparaître
quatre mois après avec le type tierce. 1! fui prescrit 20 centigr.
d’opium et 40 grammes de camphre dissous daiDS 120 grammes
d’eau-de-vie en frictions à la partie supérieure de la cuisse. La pre¬
mière friction diminua l’intensité des accès. La seconde les fit dis¬
paraître complètement.
Mais ils reparurent peu de temps après. Le D'’ Chreslien fil ajouter
à la solution 1 décigrarnme d’opium et 2 décigrammes de camphre
et fil faire de nouvelles frictions. Les accès se supprimèrent de nou¬
veau, et celte fois pour ne plus reparaître. {Journal des Conn. méd.^
c/n'riir(/.; année 1853, p. 536).
Le même procédé réussit également dans deux autres cas de
fièvre intermittente : l’une à type double tierce, l’autre à type triple
tierce, qui survinrent à la suite d’une hémorrhagie utérine {loc. eit.),
.Nous n’avons jamais vu employer le camphre dans cette ma¬
ladie.
g V. — De la fièure lieciiqne. — C’est surtout contre la fièvre
hectique que nous avons pu constater les bons effets de cette sub¬
stance. Un grand nombre d’observations que nous avons été à, même
de recueillir nous démontre que le succès du camphre ne s’est ja¬
mais démenti contre cette complication de tant de maladies. Nous
nous bornons à faire mention de ces ob.servations, car elles sont à.
peu près identiques dans leurs détails et dans leurs résultats. Nous
— 44 ^
pouvons les résumer toutes en ces quelques mots : nous avons vu
très-fréquemment des malades arrivés à la seconde ou troisième
période de la phthisie pulmonaire, d’autres épuisés par la suppura¬
tion profonde, des dysenteries chroniques, des entérites, etc. Aux
symptômes déjà si pénibles de ces maladies venait se joindre la
lièvre hectique. 1 gramme de camphre a toujours sufli pour faire
disparaître ces manifestations, et dans bien des cas son emploi con¬
tinu les empêchait de se reproduire.
Dans la dernière période de la phthisie pulmonaire surtout, ce
médicament est d’autant plus utile qu’il procure au malade un mo¬
ment de bien-être, peu durable il est vrai, mais d’autant plus pré¬
cieux que devant la maladie le médecin reste complètement désarmé.
Ne doit-il pas s’estimer heureux, ne pouvant rien contre la cause,
d’avoir sous la main de quoi lutter contre ses plus pénibles effets?
Enfin je n’abandonnerai pas le chapitre des pyrexies sans parler
de ces mouvements fébriles qui surviennent sans cause appréciable
dans la convalescence de quelques maladies et qui semblent la re¬
tarder.
Dans ces cas le camphre réussit admirablement. Nous avons en¬
core à cet égard plusieurs observations; nous nous bornerons à
ne citer que la suivante pour ne pas nous répéter inutilement,
A. L... est phymiq le. Il y a deux ans que se manifestèrent les pre¬
miers symptômes. Depuis cette époque, i| est atteint très-fréquem¬
ment d’accès épileptiformes. Le dernier de ces accès le surprit dans
la rue et lui laissa une contracture des extrémités, 11 entre à l’hô¬
pital delà Pitié, salle Saint-Raphaël , n“ 26, le 16 mars 1866. Ces
accès semblent se rapporter à une méningo-encéphalite tubercu¬
leuse. Soumis au Irailement rationnel, il présente successivement
un peu moins de roideur dans les articulations.
Tout mouvement fébrile a complètement cessé depuis déjà long¬
temps, mais la contracture persiste encore.
Le 27 avril. Quarante et un jour après son entrée à l’hôpital, sans
45 —
cause appréciable, il est pris de céphalalgie avec bourdonnements
et tintements d’oreille; la face est congestionnée ; le pouls, plein,
vibrant, marque 88 pulsations. Des sueurs profuses couvrent le
corps, la peau est chaude, le malade est profondément prostré.
— Il est prescrit 1 gramme de camphre en 10 pillules.
Le lendemain 28 avrâl, la céphalalgie a disparu, la lace est nor¬
male, le pouls est descendu à 76 pulsations, la chaleur à la peau est
diminuée, et le malade se trouve bien mieux. — Le camphre est
continué.
Le 29, tout symptôme fébrile a disparu, la chaleur de la peau
est normale.
A partir de ce jour, la convalescence fait des progrès rapides.
CHAPITRE II
DES INFLAMMAT tONS.
C’est surtout contre les inflammations que le camphre a été em¬
ployé avec succès; sa volatilisation rapide, l’abaissement de tem¬
pérature qu’elle détermine, peut-être aussi des propriétés résolu¬
tives , le rendent surtout avantageux contre les inflammations
externes.
Malheureusement on ne pourra pas l’employer dans tous les cas;
trop souvent en effet ces maladies sont compliquées de phénomènes
gastriques, ce qui, nous le disions ailleurs, est une contre-indication
formelle de l’emploi du camphre.
§ l**’. Inflammations externes. — C’est surtout contre les ulcères
de mauvaise nature, les dartres et en général les maladies de la
peau, qu’on en obtient de bons effets.
— 46 —
l>orsque nous étions dans le service de M. Gibert (Saint-Louis),
nous l’avons vu opposer à l’extérieur aux démangeaisons de l’urti¬
caire et de l’eczéma, à l’adynamie qui vient quelquefois compliquer
le pernphigus, et associer à d’autres médicaments contre certaines
variétés d’herpès. Bietl le recommande en frictions, uni au proto-
chlorure aramoniaca! de mercure ou au turbith n)iuéral, contre la
" couperose (acné rosacéa) et contre le lichen chronique des mains, et
uni au sulfure de mercure contre la teigne impétigineuse. (Gibert,
Traité des maladies de ta peau.)
D’après Alibert [loc. cit .), il serait très-efficace pour arrêter les
progrès de la gangrène et du charbon.
G’est ainsi que Roux [lac. cit., p. 281) préconise l’eau-de-vie cam¬
phrée pour arroser les eschares gangréneuses qui se développent si
souvent au sacrum dans les fièvres typho'ides, et le fait entrer comme
antiseptique dans les gargarismes qu’il prescrit contre la gangrène
des amygdales dans l’angine scarlatineuse.
Nous avons dit ailleurs que le camphre avait peut-être la pro¬
priété de tarir la sécrétion du lait; cetie propriété le rendrait, d’a¬
près Richard (/oc. cit., p. 18‘6), très-utile contre les engorgements
des glandes mammaires connus sous le nom de })oil.
Schwilgué le- recommande contre les affections lentes des ma¬
melles, des articulations, des testicules, et dans les suppurations
atoniques qui tendent à la chronicité.
Tout le monde connaît les usages si fréquents que l’on fait de
i’eau-de-vie camphrée dans les pansements des fractures. En fric¬
tions, ce topique est, contre les entorses et les contusions, un re¬
mède vulgaire.
D’après PoiUeau, le camphre employé à l’extérieur serait un
remède parfait contre l’érysipèle, et il semble surtout le préconiser
contre les érysipèles du bas-ventre à la suite des fièvres puerpé¬
rales (Jie'/oHg'es de chirurgie; Lyon, 1760). L’auteur du D’/cGontm/re
anonyme botanique et pharmaceutique le considère comme spécifique
dans celle maladie.
Le D"' Spoërer (Jonfnal des Connaissances médicn-dtirurgicaJes]
1853, p. 259) a réduH presque à rien ia moVlaülé qui a suivi réry-
sipèîe en le Iraitanl par le camphre, qu’i! co?!si(!ère aussi comme
spécifique. 1! donne une purgation à l’huile de ricin s’il y a em¬
barras gaslro-inleslinal, et, un bain savonneux tiède tous les jours;
puis toutes les deux heures il fait prendre un mélangé composé de
25 à 50 milligrammes de camphre dans du sucre ou un mucilage de
gomme. Dans le cas où l’érysipèle présente quelque gravité, H donné
ce mucilage à prendre toutes les heures; dans les érysipèles phleg-
rnoneux et traumatiques, il y,joint son usage internCo
Nous nous rappelons avoir vu Malgaigne l’employer très-fré¬
quemment contre les érysipèles.
11 n’y. a pas de médicament dont on ait plus usé et abusé dans le
coryza, contre lequel Raspail a préconisé le camphre en poudre.
Sous son influence on a vu disparaître l’enchifrènement qui en est
la conséquence, et augmenter considérablement la sécrétion du
mucus nasal. Beaucoup de personnes sont même allées jusqu’à l’as¬
socier au tabac et en faire un usage eonlinuel. On a préconisé aussi
sa solnlion dans l’huile d’amandes douces portée jusque sur là mu¬
queuse pituitaire et en frictions sur le nez.
On le fait entrer dans quelques collyres contre certaines inflam¬
mations des yeux ; ce traitement semble réussir très-bien dans quel¬
ques cas.
L’expérience a soiiv.ent-démonlré les bons effets dé celte sub¬
stance dans les inflammations des organes génito-urinaires.
Hoffmann l’a vantée contre les maladies véiiériënnes ; ïl propose
d’en frotter la verge, sous forme d’onguent, dans l'a gonorrhée ré¬
cente, afin d’en modérer s’iuflammation. Le succès en est au moins
douteux intus et extra.
Nous ne nous arrêterons pas- au traitement de la'syphilis par le
camphre; nous ne pouvons mieux faire que de dire, avec MM. Trous¬
seau et Pidoux, que personne ne sera tenté d’en faire l'essai.
D’après une note d’Ôrfila, quelques médecins de Brest em-
— 48 —
ployèrent le camphre en frictions faites à la partie interne de la
cuisse pour calmer l’irritation produite sur ces organes par un vé¬
sicatoire. Il est probable que l’absorption du camphre détermine
un effet sédatif dans ce cas particulier.
Enfin Schw'ilgué préconise son emploi comme résolutif dans les
engorgements des ganglions lymphatiques.
5 II- Inflammations internes. — Ce n’est pas seulement contre
les inflammations externes que l’on a employé le camphre, et l’ana¬
logie a conduit bien des médecins à s’en servir contre les inflam¬
mations internes. Nous dirons à cet égard que nous nous gardons
bien d’attribuer au camphre des propriétés réellement sérieuses
contre ces maladies, surtout pour ce qui concerne les inflammations
aiguës. En effet, quel mode d’action pourrions-nous rationnellement
lui attribuer dans la pneumonie, la pleurésie, la péritonite, etc.?
Peut-être modifiera-t-il l’état du pouls, abaissera-t-il la chaleur,
mais la cause qui entretient l’état fébrile n’en subsistera pas moins
et réclamera d’autres moyens qui n’ont pas de succédanés; nous le
conseillerons dans les maladies inflammatoires aiguës, mais seule¬
ment comme adjuvant, alors que le traitement antiphlogistique,
s’il y a lieu, aura préparé la voie.
Nous justifierons cette opinion par les observations suivantes :
Observation I". — L. A...... entré à l’hôpital le 16 avril 1864.
Bronchite généralisée, pleurésie purulente double; vomiquepariéto-
pulmonaire. — Vomitifs révulsifs, ventouses, sinapismes, kermès,
soufre doré d’antimoine,
Tous les symptômes ont cédé au traitement. Il reste encore une
chaleur halitueuse de la peau; le pouls est petit et très-fréquent,
112 pulsations; mouvements respiratoires accélérés, dyspnée in¬
tense. — 1 gramme de camphre.
Le lendemain, le pouls est à 92. L’état général est satisfaisante
(Ob.servation communiquée par M. Malice.)
- ^id —
Observation ü. — L. F.. entré h l’hoipUal de la Pitié le
19 mars 1866, salle Saint-Raphaël, n° 33. Phthisie pulmonaire et
épanchement pleurétique. — Vésicatoires.
18 avril. Chaleur à la peau, sueurs profuses, injections de la
face et des conjonctives ; le pouls a 80 pulsations. — 1 gramme
de camphre,
I.e 19. Le pouls se maintient à 80 pulsations ; chaleur à la peau
diminuée; l’injection de la face et des conjonctive.s et les sueurs
ont complètement disparu. — Continuer.
Le 20, même état.
Le 21 et le 22, le pouls est à 72. — Cessation du camphre.
Observation 111. — X.entre, le 11 février 1865, à l’hôpital
de la Pitié, salle Saint-Raphaël, n° 31. Pleuro-pneumonie avec épan¬
chement. “—Traitement antiphlogistique.
Le 13. Pouls à 116, peau chaude, face rouge.— Julep, 1 gramme
de camphre; ventouses sèches.
Le 14. Le pouls se maintient à 116; l’état général ne s’améliore
pas. — Continuer le camphre.
Le 18. L’état général commence à s’améliorer, la fièvre èst
tombée. — Continuer le camphre.
Le 21. Le pouls est encore à 100 et diminue de jour en jour. Il
sort guéri.
Observation IV. — X.. entré le 28 novembre 1865, atteint
de pleurésie avec épanchement.
30 novembre. Menaces de suffocation, thoracentèse.
r’’ décembre. Pouls à 104, mou et dépressible; chaleur intense
à la peau. — 1 gr. de camphre.
Le 22. Pouls à 88, fort et régulier. — Continuer.
Le 11. Malgré l’emploi du camphre, le mouvement fébrile est
intense.
Le 14. On reconnaît une éruption variolique.
Observation V.— X..., entré à l’hôpital le 16 janvier 1865, salle
1,8n6. ~ Foissac. 7
. — 50 —
Saint-Raphaël, n® 29. Broncho-pneumonie. — Traitement anti¬
phlogistique.
20 janvier. Le pouls est à 108, fièvre intense, langue saburrafe.
— Ipéca stibié; julep, 1 gr. de camphre.
Le 21. Pouls à 108, même état; le, malade n’a pu supporter son
julep. Nous avons dit en effet que l’état saburral était une contre-
indication. — 1 gr. de camphre en pilules.
Le 23. Pouls à 88, intermittent; chaleur à la peau.
Le 24. Pouls à 64; convalescence.
Nous pourrions encore rapporter d’autres observations du même
genre à L’appui de ce que nous avons avancé; nous nous en abste¬
nons pour ne pas nous répéter inutilement.
Dans la néphrite, il pourra peut-être encore jouir de quelques
avantages, grâce à ses propriétés diurétiques et sédatives; mais dans
cette maladie, comme dans toutes les autres maladies inflamma¬
toires, il ne pourra servir que comme adjuvant lorsque le traite¬
ment antiphlogistique aura été employé selon les indications.
Dans les inflammations chroniques, nous avons vu de quelle res¬
source pouvait être le camphre contre les symptômes de la fièvre
hectique, Il serait peut-être encore fort utile lorsqu’il survient de
l’adynamie. Broussais {Hist. des plilegmasies, t. II, p. 293) dit cepen¬
dant que le camphre ne lui a jamais réussi dans les plilegmasies
aiguè's ; aussi ne lui reconnait-il quelque utilité que dans les inflam¬
mations chroniques.
Quant aux phlegmasies des organes digestifs, nous avons assez
dit que cet état était une contradiction formelle de l’usage du
camphre pour avoir besoin d’y revenir.
~ 51
CflAPITRE lïl
DES NÉVaOSES.
On s’est servi du camphre dans la plupart des névroses.
Sciatique.. La sciatique a été guérie par les fumigations cam¬
phrées et les frictions (Chèze, thèse de 1808; Paris, n® 149)..
Migraines. — Tout le monde connaît l’abus que l’on a fait de l’eau
sédative de Raspail contre les migraines. C’est un excellent révulsif
dont le succès peut dans certains cas autres que celui qui nous oc¬
cupe justifier l’emploi. Mais est-ce bien au camphre qui entre dans
la composition de ce topique que l’on doit attribuer l’effet produit?
11 nous est au moins permis de le révoquer en doute, car l’ammo¬
niaque qu’il contient est plus que suffisant pour produire la révul¬
sion demandée et la.présence du camphre n’est justifiée par aucun
résultat sensible. Combien d’observations aurions-nous pu recueil¬
lir et combien d’observations viendraient nous prouver l’insuccès
de ce médicament contre la migraine !
JMous serions trop heureux d’avoir un spécifique de cetteoffection
contre laquelle viennent échouer toutes les ressources de la théra¬
peutique.
Schwilgué {Mal. médic.., t. II, p. 235) le préconise dans Iss dif¬
férents cas de névroses encéphaliques. Nous eussions désiré que cet
auteur nous donnât quelques détails sur la nature des névroses dont
il veut parler et sur la façon de leur opposer le camphre* C’est du
reste le seul auteur de ceux qu’il nous a été donné de consulter
qui préconise Je camphre dans ces cas.
Affections convulsives. — Cullen ( trad. de Bosq., loc. cit. ) dé¬
clare que le camphre est un exoellent médieament à employer
— 52
contre les affections convulsives, et Barbier,d’Amiens, le préconise
contre les douleurs névralgiques et pour laire cesser les convulsions.
Le traitement par le camphre a réussi dans l’éclampsie puerpérale et
a guéri une femme en quarante-huit heures (Journal des Con^iais-
sances médico-chirurgicales ). Ce serait là une médication simple et
facile à recommander aux accoucheurs, qui n’ont en présence de
cette affection qu’un très-petit nombre de moyens. Heureusement
cette complication se présente bien rarement. Néanmoins , si
cette observation était confirmée par de nouveaux faits, l’emploi du
camphre contre l’éclampsie serait une des découvertes les plus
utiles que puisse enregistrer l’art obstétrical.
N’abandonnons pas ce sujet sans rappeler à tous ceux qu’inté-
rCvSse l’obstétrique que le médecin Dewees a retiré, d’après Cazeau
(Traité des accouchements ),de grands avantages du camphre, qu’il
prescrit contre les tranchées utérines dans l’accouchement. 11 le
donne à la dose de 4 grammes pour 180 grammes de véhicule, et fait
prendre une cuillerée de cette potion toutes les heures, ou bien
encore il fait prendre 50 centigrammes de camphre en poudre dans
un sirop quelconque.
Épilepsie — On a employé le camphre contre l’épilepsie. Cullen
dit bien qu’il n’a jamais vu d’épilepsie guérie par le camphre seul,
mais il assure avoir vu plusieurs fois un paroxysme qui devait ve¬
nir dans le cours de la nuit arrêté par une dose de camphre donnée
au moment où le malade allait se coucher; cela s’est produit même
lorsqu’on a donné le camphre seul. Mais il en a reconnu les bons
effets alors surtout qu’il l’associait à une certaine quantité de cuivre
ammoniacal, de vitriol blanc ou de fleurs de zinc.
A. Richard et Barbier- d'Amiens, reconnaissent son utilité contre
cette affection, mais ce dernier ajoute que sous son influence les
accès d’épilepsie diminuent d’intensité.
Affections spasmodiques. — De toutes les névroses, les affections
53 —
spasmodiques sonl celles contre lesquelles le camphre semble sur¬
tout réussir.
Hoffmann (trad. par Halle, Soc. roij. deméd, p. 66) cite l’obser¬
vation d’un homme hypocondriaque qui avait des accidents spasmo¬
diques très-fréquents et qui fut totalement guéri de ces spasmes
par 26 décigrammes de camphre qu’il prit en une seule fois. Fut-il
aussi délivré de son affection hypochondriaque? C’est ce que cette
observation ne nous dit pas, et que nous serions bien en droit de
lui demander, car Cullen, Chomel, Lémery, etc., lui reconnaissent la
propriété de guérir l'hypochondrie. Ces derniers préconisent son
usage externe en frictions sur le nombril contre l’hystérie, et Cho¬
mel conseille en outre son usage interne à la dose de 6 à 15 grains.
Barbier, d’irniens, l’a vu réussir contre l’asthme; Chomel avance
le même fait et rapporte que Camus le préconise contre la rage.
Manie., folie. — Cullen s’est servi du camphre contre un cas de
manie et rapporte l’observation suivante : Un jeune homme de
16 ans devint maniaque et tellement intraitable qu’on était obligé
de l’attacher dans son lit. On fit usage avec beaucoup d’assiduité de
saignées, de vésicatoires, de vomitifs, de purgatifs, etc., sansmo-
dérer la maladie. H donna 5 grains (25 centigrammes) de camphre
trois fois par jour. Tant que la dose ne fut pas au-dessus de 2 scru¬
pules ( 2 grammes 60 centigrammes ),elle ne parut produire aucun
effet, ni bon, ni mauvais. Au-dessus de cette dose le camphre com¬
mença à donner par degrés plus de sommeil, et à rendre dans les
intervalles les symptômes de manie plus modérés. Lessens revinrent
peu à peu et la santé se rétablit parfaitement.
Voilà bien un cas de manie guérie par le camphre; mais il en cite
un second dans lequel il ne fut pas aussi heureux, quoique par erreur
le sujet dont il s’agit en ait pris une dose énorme ( loc. cit., p. 313 ).
Alibert a réussi dans une manie périodique, non pas à guérir le
malade, mais à calmer l’intensité des mouvements convulsifs.
— 54 —
Pour Richard, le camphre ne réussit jamais mieux dans la manie
que lorsqu’elle est symptomatique d’uneaffection hystérique.
Selon Barbier, d’Amiens, le camphre, à la dose de 16 grammes
(80 centigr.) à 1 gros (3 gr. 90 centigr.), possède une action impor¬
tante sur le cerveau, ce qui le rendra utile pour modérer une ac¬
tion fâcheuse et combattre les accidents dominants de la folie.
CHAPITRE IV
DES DIATHÈSES.
Rhumatisme. — Dans le rhumatisme, on a souvent employé le
camphre à l’extérieur, et toutes les observations que nous avons
trouvées dans les auteurs témoignent d’un succès.
Chèze [thèse de Paris, 1808, n” 149) enregistre vingt observations
de rhumatisme ou de sciatique contre lesquelles il a eu un succès
constant en se servant de fumigations camphrées, aidées dans quel¬
ques cas de frictions avec un liniment composé de 8 grammes de
camphre trituré dans un jaune d’œuf, auquel il ajoutait quatre cuil¬
lerées d’huile d’oTive.
Le Journal des Connaissances médico-chirurgicales (1853, p. 537)
publie aussi sept cas de rhumatisme dans lesquels la maladie a
cédé à des frictions faites à la partie interne des cuisses avec un
mélange de camphre et d’opium dissout dans l’eau-de-vie.
Chomel, Richard , Barbier d’Amiens, et Allbert, préconisent son
usage externe contre le rhumatisme, et ce dernier le recommande
surtout lorsqu’il y a gonflement des articulations.
Nous ne l’avons jamais vu employer qii’à l’intérieur contre cette
maladie et nous n’avons pas à enregistrer de pareils succès.
Observation P®, — D. A. entre à rhôpital de la Pitié, salle
— 55 —
Sainte-Geneviève, 11 “ 36, le 4 avril 1866. Elle est atteinte de rhu¬
matisme articulaire aigu. —Traitement antiphlogistique, puis sul¬
fate de quinine.
Le 16. Il ne subsiste que fort peu de douleurs; le pouls est à
72 pulsations, la chaleur à la peau est intense; elle a des sueurs
profuses. — Suppression du sulfate de quinine, que l’on remplace
par 1 gramme de camphre.
Le 17. Même état. — Le camphre est continué
Le 20. Malgré son julep camphré, l’état général est le même.
— Le traitement au sulfate de quinine est rétabli.
Le 21. L’état général est meilleur et s’améliore tous les jours sui¬
vants.
Nous aurions encore à citer l’observation d’une autre malade
entrée au n° 26 de la même salle avec un rhumatisme mono-arti¬
culaire, contre lequel le camphre n’eut pas plus de succès.
A ces deux observations nous pourrions en opposer une troi¬
sième dans laquelle nous dirions qu’une malade couchée au n° 6
de la même salle était atteinte, lors de son entrée à l’hôpital, d’un
rhumatisme articulaire aigu. Tous les symptômes inflammatoires
avaient cessé lorsqu’il lui fut administré 1 gr. de camphre; un léger
mouvement fébrile qu’elle présentait la veille avait disparu le len¬
demain de ce traitement.
Cette dernière observation ne peut guère infirmer l’opinion que
nous avons manifestée tout d’ahord de l’inefficacité ou tout au
moins de l’efficacité douteuse de l’usage interne du camphre dans
le rhumatisme, car dans les deux premières observations nous
voyons le camphre échouer là même, où le traitement précédent
avait conduit la malade jusqu’à la convalescence.
De ces faits, nous pouvons conclure, contrairement, à ce qu’ont
avancé quelques auteurs, que le camphre n’est pas anlirhumatis-
mal. En effet, pour s’adresser à l’état général nous étions dans les
meilleures conditions, puisque les malades prenaient le camphre
à l’intérieur. Comment donc expliquer les succès qu’a amenés son
— 56 —
usage externe? Le camphre a localement une action sédative, réso¬
lutive, soit; mais le rhumatisme n’est pas une maladie locale, et, si
l’action du médicament est locale, la maladie ne peut pas être guérie ;
or, les vingt-sept observations dont nous avons fait mention con¬
statent vingt-sept guérisons. îl est donc évident que le camphre a
dû être absorbé, car pour guérir la maladie il a dû s’adresser à la
diathèse.
Enfin je rappellerai que pour Cullen l’usage externe du camphre
contre le rhumatisme est fort dangereux, parce qu’il peut occa¬
sionner une métastase.
De la goutte. — Quelques auteurs ont préconisé le camphre
contre la goutte, d’autres contre les accès de goutte. Il s’agit de
s’entendre. Est-ce contre la diathèse, est-ce contre ses manifesta¬
tions?
Nous disions dans la partie physiologique de cet ouvrage qu’un
auteur avait reconnu au camphre la propriété de dissoudre l’acide
urique ; nous comprenons dès lors l’utilité du camphre pris à l’inté¬
rieur contre la goutte.
Cependant Cullen admet que le camphre agisse avec succès contre
la douleur, mais il ne lui reconnaît aucune action sur la diathèse.
A l’intérieur, il trouve son emploi dangereux, parce qu’il peut occa¬
sionner une métastase. Il appuie son opinion sur le fait sui¬
vant :
Un gentilhomme apporta des Indes de l’huile de camphre et en
indiqua l’usage à un autre gentilhomme atteint d’accès de goutte.
La douleur disparut après quelques frictions sur l’orteil malade,
mais pour se reporter à l’orteil correspondant de l’autre pied. Il fit
des frictions sur cet orteil, et la douleur, qui disparut une seconde
fois, envahit le genou. Le malade se résolut à supporter cette dou¬
leur, qui en deux ou trois jours disparut sans laisser de traces.
— â7 —
CHAPITRE V
PALPITATIONS DU COEUR.
On a préconisé le camphre contre les palpitations du cœur comme
succédané de la digitale.
Nous ne l’avons jamais vu employer dans les cas de lésions orga¬
niques. Toutefois, son action sédative sur la circulation paraîtrait
justifier son emploi. Mais nous possédons une observation qui ten¬
drait à nous prouver son efficacité contre les palpitations qui ne se
lient pas à une lésion organique.
S. B. est chloro-anémique. Elle est blonde, d’une pâleur ha¬
bituelle, Elle a les lèvres décolorées, et se plaint de bouffées de
chaleurs , de tendances aux lipothymies et de violentes palpitations
du cœur qui la mettent dans l’impossibilité de prendre la moindre
fatigue. Elle a un bruit de diable qui se prolonge dans les artères.
Plusieurs médecins qu’elle avait consultés à diverses reprises lui
avaient prescrit du fer, du quinquina, des amers, etc,, sous l’in¬
fluence desquels survenaient de la constipation, des vertiges, des
mouvements fébriles, des nausées, etc. ; aussi se vit-elle obligée de
renoncer à ce traitement. Les palpitations du cœur étaient, de
tous les symptômes qu’elle éprouvait, le seul qui lui soit réellement
insupportable. Par hasard elle se servit de camphre pour préserver
des fourrures, et elle en fit une cigarette. Elle remarqua [que ses
palpitations avaient cessé. Plus tard elle les vit revenir et crut de¬
voir se servir encore du même procédé. L’essai réussit très-bien, et
elle nous a affirmé que ce moyen, dont elle se sert fréquemment, la
met à l’abri de cette cruelle infirmité.
Voilà une observation de nature à faire la fortune d’un sys¬
tème I
Nous eussions bien vivement désiré examiner cet effet du cara-
1866. — Foissac.
— 58 —
phre sur d’autres sujets qui n’auraient pas, dans un cas semblable,
pris des toniques antérieurement à son usage.
Dans tous les cas, s’il peut être adminislné comme succédané de
la digitale, il est appelé à rendre de véritables services, car nous
savons que cette dernière produit si souvent des nausées et des
vomissements que le praticien est obligé de renoncer à son emploi.
Spermatorrhée. — Les propriétés anti-aphrodisiaques que quel¬
ques auteurs reconnaissaient au camphre devaient les amener à les
conseiller dans la spermatorrhée.
Nous sommes étonné de n’avoir trouvé^qu’une seule observation
dans tous les ouvrages auxquels nous avons demandé des rensei-
ments sur le camphre. Celte observation est consignée dans le
Journal des Connaissances médico-chirurgicales (p. 42; 1853).
M. Gosselin, alors médecin du Bureau central, remplaçait Roux
à l’Hôtel-Dieu. Il se présenta dans le service un homme qui avait
une spermatorrhée. 11 avait jusqu’à douze pollutions nocturnes. On
employa tous les traitements, aucun n’amena un résultat satisfai¬
sant. M. Gosselin prescrivit alors des pilules composées de 15 centi¬
grammes de camphre et 5 centigrammes d’extrait d’opium.
Dans les deux jours qui suivirent l’administration de ces pilules,
il n’y eut que trois pollutions.
Le lendemain, il n’y en eut qu’une seule,|puis tout se borna
à de simples érections sans pdllulions.
Enfin le malade sortit complètement guéri.
Helminthes. — On s’est encore servi du camphre pour chasser
les ascarides lomhricoïdes, et son emploi paraît avoir été suivi de
leur destruction.
Chomel, Àlibert et Schwilgué, confirment|celle opinion, et lui
reconnaissent des propriétés anthelminthiques.
— 59 ~
Hémorrhagies, flux menstruel. — D’après Cullen (trad. de Veau-
morel), le camphre aurait des propriétés hémostatiques, et Chomel
l’a préconisé à la dose de 6 à 15 grains contre l’apoplexie.
Ces deux auteurs lui reconnaissent aussi des propriétés emména-
gogues.
Le .Journal des Connaissances médico-chirurgicales (p. 535, 1853),
nous fournit une observation à l’appui de cette opinion.
Le D*' Chrestien est appelé auprès d’une demoiselle réglée à
12 ans, et qui, à sa 14® année, éprouva la suppression dé ses meo*
strues. Quatre jours après l’époque à laquelle auraient dû appa¬
raître ses règles, il fut prescrit des frictions à la partie interne des
cuisses avec 40 à 60 centigrammes d’opium dans 32 grammes d’eau-
de-vie. Ce fut en vain qu’on employa 192 grammes de cette solu¬
tion, les règles ne reparurent pas; alors il fut formulé la teinture
suivante : camphre, 2 grammes; opium, 10 centigrammes; eau-de-
vie, 128 grammes.
A peine les trois quarts de cette nouvelle teinture furent-ils em¬
ployés que les règles reparurent.
CHAPITRE VI
DOULEURS.
On a préconisé les solutions camphrées contre les douleurs, telles
que les piqûres de guêpes, d’abeilles, de cousins, d’orties, etc.
Il jouit de la propriété de les calmer en très-peu de temps.
Ses propriétés réfrigérantes l’ont fait employer surtout' en solu¬
tion alcoolique contre les douleurs qui suivent les brûlures (Chomel,
loc. cil.). Tout le monde sait combien les corps réfrigérants sou¬
lagent la douleur. Il est bien entendu qu’il ne s’agit ici que des
— 60 —
brûlures superficielles^ car si la brûlure était profonde et que le
derme soit dénudé son action irritante l’augmenterait.
L’odontalgie cesse quelquefois sous l’influence du camphre comme
topique.
Tout le monde connaît l’usage de l’eau-de-vie camphrée comme
dentifrice. En Angleterre surtout, le camphre sert de base à un
grand nombre de poudres que l’on destine à cet usage.
M. Stanislas Martin {Journal des Connaissances médico-chirurgi¬
cales, p. 76, 1852) publie une observation qui, à ce point de vue,
offre assez d’intérêt pour que nous la reproduisions.
Cet observateur a remarqué que le camphre a la propriété d’al¬
térer les dents. Il a mis pendant plusieurs mois du camphre en
poudre en contact avec des dents, et s’est aperçu que cette sub¬
stance les pénètre et leur fait perdre leur matière animale et leur
densité; aussi sont-elles beaucoup plus friables.
M. Bouchardat {Manuel de thér. et de mat. méd.) signale aussi cet
inconvénient de l’emploi du camphre comme dentifrice.
Empoisonnement par la strychnine. — Dans le journal dont nous
parlions tout à l’heure, le D*' Arnett publie une observation dans la¬
quelle il dit avoir donné avec succès le camphre contre un empoi¬
sonnement par la strychnine. Depuis cette époque ce praticien l’em¬
ploie et le conseille dans tous les cas où l’usage thérapeutique de la
strychnine détermine des accidents.
Nous n’avons pas besoin d’insister sur la valeur de cette observa¬
tion. La strychnine est un corps si dangereux à manier que nous
ne pouvons que nous louer de pouvoir lui opposer une substance
dont l’emploi est en général si facile.
— 61 —
Tels sont les usages et les propriétés thérapeutiques du camphre.
Nous avons vu ce corps régulariser la maladie dans les pyrexies,
calmer les phénomènes nerveux, faire cesser les spasmes, calmer les
contractions musculaires irrégulières, etc., dans certaines ma¬
ladies.
Nous croyons donc devoir, avec MM. Trousseau et Pidoux et
M. Bourchardat, le placer dans la classe des antispasmodiques sans
qu’on puisse nous objecter d’autres propriétés qui pourraient au
besoin lui valoir une place à côté d’autres corps et dans d’autres
classes de médicaments.
QUESTIONS
SUR
LES DIVERSES BRANCHES DES SCIENCES MEDICALES
Physique. — Chaleur animale.
Chimie. — Des combinaisons du phosphore avec l’oxygène; pro¬
priétés et préparation des acides phosphoreux et phosphorique.
Pharmacologie. — Du vinaigre de vin ; quelles sont les altéra¬
tions qu’on lui fait subir et des moyens de les reconnaître? Quels
sont les principes que le vinaigre enlève aux plantes? Comment pré¬
pare-t-on les vinaigres médicinaux?
Histoire naturelle. — Caractères distinctifs des batraciens; com¬
ment les divise-t-on ? De la grenouille, du criapaud ; leurs pro¬
duits.
Anatomie. — Articulations de la colonne vertébrale.
Physiologie. — Des usages du grand sympathique.
Pathologie interne. — De l’ulcère chronique simple de l’es¬
tomac.
Pathologie externe. — Des luxations de l’astragale.
Pathologie générale. — De la contagion et de l’infection.
— 64 —
Anatomie pathologique. — De l’hypertrophie glandulaire.
Accouchements. — Des vomissements incoercibles.
Thérapeutique. — De l’accoutumance en thérapeutique.
Médecine opératoire. — Du mode d’application des caustiques
minéraux.
Médecine légale. — Quelle est la valeur relative des faits sur
lesquels un expert peut se fonder pour affirmer qu’il y a eu empoi¬
sonnement ?
Hygiène. — Des pays chauds.
Vu, bon a imprimer.
BOÜCHARDAT, Président.
Permis d’imprimer.
Le Vice-Recteur de l’Académie de Paris,